Travail de nuit et cancer du sein : de nouveaux arguments en faveur d’un lien

Une étude conduite par une équipe Inserm apporte de nouvelles informations sur l’association entre le travail de nuit et le risque de cancer du sein, grâce à la ré-analyse de cinq études permettant de retracer l’exposition au travail de nuit chez plus de 13 000 femmes.

La question du lien entre le travail de nuit et le risque de cancer du sein n’a toujours pas été clairement élucidée depuis que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a conclu, en 2007, à un effet cancérogène probable. Les études épidémiologiques sur le sujet ont en effet rapporté des résultats discordants et difficiles à interpréter, car fondés sur des mesures hétérogènes et le plus souvent incomplètes de l’exposition au travail de nuit. 

L’originalité du travail effectué par Pascal Guénel et Emilie Cordina (Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations* ‚Villejuif) a consisté à sélectionner cinq grandes études internationales sur le cancer du sein qui disposaient d’informations sur les horaires de travail des femmes incluses, obtenues à l’aide d’un questionnaire détaillé sur chaque emploi occupé au cours de leur carrière. Ces études menées en Australie, Canada, Allemagne, Espagne et France incluent au total 6 093 patientes atteintes d’un cancer du sein et les 6 933 femmes témoins en bonne santé de même âge, recrutées en population générale. A partir des informations recueillies sur les quelques 54 000 emplois occupés par ces femmes, les chercheurs ont pu caractériser leur exposition au travail de nuit au cours de leur vie, de façon précise et homogène entre les études. 

Un sur-risque de 26% avant la ménopause

Les analyses menées à partir de cette grande base de données, en collaboration avec les équipes de recherche à l’étranger, apportent de solides arguments en faveur d’un lien entre le travail de nuit et le cancer du sein. Elles montrent que parmi les femmes non ménopausées, le travail de nuit (défini comme un travail d’au moins trois heures entre minuit et 5 h du matin) augmente de 26% le risque de cancer du sein. Le risque semble particulièrement croître chez les femmes qui ont travaillé plus de 2 nuits par semaine pendant plus de 10 ans. Les résultats montrent également que le risque diminue après l’arrêt du travail de nuit. 

En revanche, aucune association claire entre le risque de cancer du sein et le travail de nuit n’a été observée chez les femmes après la ménopause. « Peut-être parce qu’après la ménopause, une grande partie des femmes avaient arrêté de travailler de nuit depuis plusieurs années », précise Pascal Guénel. 

Adapter les horaires de travail pour prévenir les effets sur la santé

Des perturbations du rythme circadien (rythme de 24 h contrôlé par une horloge biologique interne) pourraient être la cause de l’augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes qui travaillent de nuit. Tout comme elles sont incriminées dans les effets avérés ou suspectés du travail de nuit dans les troubles du sommeil et de l’humeur, le diabète, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, ou dans l’apparition d’autres cancers comme ceux de la prostate. Afin de limiter les effets du travail à horaires de nuit sur la santé, une attention particulière doit être portée sur les modes d’organisation du travail, en limitant le nombre de nuits travaillées ou en évitant des changements d’horaires fréquents. 

Note

unité 1018 Inserm/Université Paris-Sud/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, équipe Epidémiologie des cancers, gènes et environnement, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Hôpital Paul brousse, Villejuif