Toujours trop de médicaments prescrits aux enfants hors AMM

Plus d’un tiers des enfants se voient prescrire par leur médecin généraliste au moins un médicament en dehors du cadre des recommandations officielles d’utilisation. Heureusement ce phénomène ne semble pas accroitre le risque d’effet indésirable.

En France, les prescriptions hors AMM, c’est à dire en dehors des normes d’utilisation fixées par les autorités de santé, sont nombreuses en pédiatrie. Et malgré des mesures concrètes visant à les réduire leur nombre n’a pas tellement diminué entre 2000 et 2011. Tel est l’enseignement d’une nouvelle étude Inserm, menée dans le sud de la France. 

Les chercheurs ont en effet constaté que 37,6% des enfants de moins de 16 ans ont été exposés à au moins une prescription hors AMM en 2011, contre 42% en 2000. 

Cette évaluation a été réalisée avec l’aide de 38 médecins généralistes qui ont rapporté toutes leurs consultations d’enfants âgés de 0 à 16 ans, vus entre mars et juillet 201. Les médecins devaient préciser le motif de la visite et la prise en charge qui en a découlé. Au total, 2 313 enfants ont été vus et, parmi eux, 1 960 ont reçu au moins un médicament. Dans près de 38% des cas, la prescription était hors AMM. 

La plupart correspondait à une indication autre que celle fixée pour le médicament (56%), à des dosages inférieurs (26%) ou plus importants (20%) à ceux recommandés, ou encore au non respect de l’âge minimal, de la voie d’administration ou des contre-indications. Les médicaments les plus souvent concernés étaient les décongestionnants nasaux, les antihistaminiques anti-H1 et les corticoïdes.

Peu de risque

Loin d’être des erreurs systématiques, les prescriptions hors AMM en pédiatrie s’imposent souvent en raison de l’absence de médicament adapté au profil du jeune patient. Plusieurs molécules utilisées de façon courante chez l’adulte ne bénéficient pas, en effet, d’indication pédiatrique. Cela s’explique par les difficultés associées à la réalisation d’essais cliniques chez les enfants. 

En 2000, la même équipe avait révélé une association entre l’incidence de ces prescriptions hors AMM et le risque d’effets indésirables, tirant la sonnette d’alarme sur la dangerosité potentielle de ces pratiques. Ces conclusions convergeaient avec celles d’autres études, attestant de la nécessité de développer les essais cliniques en pédiatrie. L’impulsion fut donnée entre les années 2000 et 2005 pour faciliter leur réalisation. Des campagnes d’information ont en outre été lancées auprès des prescripteurs pour les sensibiliser à cette problématique. 

Dix ans plus tard, la courbe des prescriptions hors AMM en pédiatrie n’a que très peu fléchi. Toutefois, les chercheurs n’ont cette fois-ci pas constaté de lien entre ces pratiques et le risque d’effets indésirables : « Les médecins régulent probablement mieux ces prescriptions et certains médicaments qui présentaient des risques dans les années 2000 ne sont plus administrés chez l’enfant. C’est notamment le cas des dérivés terpéniques (camphre, menthol, certaines huiles essentielles) », explique Maryse Lapeyre-Mestre, coauteur de ces travaux. « Pour autant, l’exposition des enfants aux prescriptions hors AMM reste élevée. Il est vrai que pour certaines pathologies fréquentes, comme les infections ORL ou encore les allergies, les ressources thérapeutiques pédiatriques ne sont pas à la hauteur. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il existe de nombreuses situations dans lesquelles le médicament peut être remplacé par d’autres approches thérapeutiques : kinésithérapie respiratoire en cas d’obstruction bronchique chez le nourrisson, absence de prescription d’antibiotique en cas d’infection virale ou encore utilisation de solutés de réhydratation en cas de diarrhées », illustre-t-elle. 

Note
*unité 1027 Inserm//Université de Toulouse III, Paul Sabatier, Faculté de médecine, Toulouse 

Source
A.Palmaro et coll. Off-Label Prescribing in Pediatric Outpatients. Pediatrics, édition en ligne du 15 décembre2014