Thérapie cellulaire : améliorer l’efficacité des cellules souches mésenchymateuses

Déjà utilisées dans près de 600 essais cliniques de thérapie cellulaire, les cellules souches mésenchymateuses (CSM) sont notamment prisées pour leur pouvoir immunosuppresseur. Toutefois, ce dernier peut varier d’une CSM à l’autre... Une équipe internationale vient de découvrir pourquoi, ouvrant la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Muscle, tendon, pulpe dentaire, moelle osseuse, tissu adipeux, cartilage, membrane synoviale... Point commun entre ces composants de notre organisme ? Tous contiennent des cellules souches mésenchymateuses (CSM), des cellules prisées pour la mise au point de thérapie cellulaire car elles sont faciles à obtenir et capables de donner naissance à plusieurs types de cellules différenciées. Les CSM possèderaient en outre des propriétés immunosuppressives leur permettant de réduire les réactions auto-immunes (réactions immunitaires à l’encontre des composants du soi) ou les inflammations non régulées. 

Ces effets immunosuppresseurs ont ouvert la voie à de nombreux essais thérapeutiques utilisant des CSM pour soigner des pathologies auto-immunes et inflammatoires, telle l’arthrite. Hélas, aucune étude n’a jusqu’à ce jour donné de résultats significativement supérieurs aux traitements déjà existants. Mais une collaboration internationale* pourrait bien avoir découvert un moyen de garantir l’efficacité des CSM : inhiber un de leurs gènes, codant pour une protéine nommée PPARβ/δ, suspectée de réduire leur pouvoir immunosuppresseur... 

Dans la pratique, l’équipe a d’abord injecté deux types de CSM humaines à des souris modélisant l’arthrite humaine : des CSM isolées de moelle osseuse et des CSM issues de sang menstruel, les premières exprimant près de deux fois moins le gène codant pour PPARβ/δ que les secondes. Résultat : chez les souris ayant reçu les CSM de moelle osseuse, l’intensité des symptômes était cinq fois moindre que chez les souris ayant reçu les CSM de sang menstruel ! D’où la question : pourrait-on améliorer le pouvoir immunosuppresseur/thérapeutique des CSM en inhibant PPARβ/δ ?

PPARβ/δ inhibé : efficacité des CSM augmentée

Les chercheurs ont donc poursuivi leur étude avec des CSM déficientes en PPARβ/δ. In vitro, la capacité immunosuppressive de ces CSM augmente de près de 75% ! Mais quid de cet effet in vivo ? Toujours dans le modèle murin de l’arthrite, les chercheurs ont comparé l’effet d’une injection de CSM normales et de CSM dépourvues de PPARβ/δ fonctionnel. L’état des souris du second groupe s’est nettement amélioré par rapport à celui des animaux du premier groupe : l’inhibition ou l’absence de PPARβ/δ dans les CSM est associée à une réduction des symptômes d’environ 35%. L’expérience a également été réalisée en préventif, dans l’optique d’empêcher la survenue des symptômes chez les souris. Résultat : chez celles ayant reçu les CSM dépourvues de PPARβ/δ fonctionnel, l’intensité des symptômes était de 85% inférieure !

En poussant leurs analyses, les chercheurs ont découvert que cette déficience en PPARβ/δ augmente l’expression de toute une série de molécules impliquées dans l’activité immunosuppressive des CSM. CQFD ! 

« C’est la toute première fois qu’on identifie un marqueur capable de prédire le potentiel immunosuppresseur et thérapeutique des CSM, résume Farida Djouad, chercheuse Inserm co-auteure de l’étude. Ce résultat ouvre ainsi la voie à de nouvelles stratégies de thérapie cellulaire. » L’idée ? Inhiber l’expression de PPARβ/δ dans les CSM en laboratoire, avant de les injecter aux patients souffrant d’arthrite. Une stratégie qui pourrait aussi être tentée dans d’autres maladies comme le lupus érythémateux disséminé et la sclérodermie, elles aussi caractérisées par une forte inflammation. 

Note

* équipe Cellules souches, plasticité cellulaire, médecine régénératrice et immunothérapies (unité 1183 Inserm/université de Montpellier, Institut de médecine régénératrice et de biothérapies de Montpellier, CHU Lapeyronie de Montpellier), en collaboration avec des équipes de l’université de Erlangen-Nuremberg (Allemagne), de l’université San Francisco de Quito (Equateur), et de l’université de Los Andes à Santiago (Chili).

Source

P. Luz-Crawford et coll., PPARβ/δ directs the therapeutic potential of mesenchymal stem cells in arthritis, Ann Rheum Dis, édition en ligne du 8 mars 2016