Susceptibilité génétique et mutations du SARS-CoV‑2 : quel impact sur l’infection ?

Le SARS-CoV‑2 infecte nos cellules après avoir interagi avec plusieurs protéines présentes à leur surface. Or d’une personne à l’autre, ces protéines peuvent présenter des variations structurales d’origine génétique. Une équipe de chercheurs a souhaité évaluer si ces polymorphismes engendraient des modifications de la susceptibilité à l’infection par le coronavirus responsable de la Covid-19.

Pour nous infecter, le coronavirus SARS-CoV‑2 s’arrime par le biais de sa protéine Spike au récepteur ACE2, une protéine présente à la surface des cellules de nos muqueuses respiratoires. Or en pratique, il existe plusieurs « versions » du gène codant pour ACE2, qui conduisent à de subtiles différences dans la structure du récepteur. Celles-ci peuvent-elles modifier l’interaction entre ACE2 et le virus ? 

En collaboration avec une équipe italienne (université du Salento), Marco Alifano* réalise des modélisations bioinformatiques pour répondre à cette question. Complémentaire aux méthodes classiques de biochimie, cette approche permet de modéliser la conformation dans l’espace d’une protéine à partir de sa séquence d’acides aminés. Il est même ensuite possible d’évaluer son affinité pour d’autres molécules, et donc d’étudier les interactions entre différentes protéines. 

Dans le cadre de leurs travaux sur le SARS-CoV‑2, les chercheurs ont modélisé la version « standard » du récepteur ACE2, présente chez la majorité des individus, et celle de ces principaux variants connus, retrouvés chez environ 2% de la population. Ils ont également modélisé la protéine Spike et ainsi pu tester, in silico, la force des interactions entre cette protéine virale et les différents variants de ACE2. Comme on pouvait s’y attendre, « certains variants d’ACE2 ont une affinité plus forte pour la protéine Spike, tandis que d’autres ont une affinité moins élevée, explique le chercheur. Afin d’évaluer si ces différences se traduisent sur le plan clinique, en influençant par exemple la sévérité de la maladie, nous conduisons actuellement une étude de l’ADN issu de plusieurs centaines de patients hospitalisés pour une forme modérée, grave ou critique de Covid-19, au sein de l’hôpital Cochin ou de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. » Ce travail, soutenu par la Fondation du souffle, consiste à séquencer le génome des patients, pour savoir si la présence de certains polymorphismes génétiques est associée à la sévérité de la maladie. 

Des paramètres liés aux patient et au virus

Les chercheurs s’intéressent également à une seconde protéine de l’hôte qui intervient après la fixation de Spike sur ACE2 : l’enzyme TMPRSS2 qui coupe la protéine virale Spike en plusieurs endroits pour permettre au virus de pénétrer dans la cellule. Près de 10 % de la population présenterait une variation du gène TMPRSS2. Marco Alifano et son équipe entament donc un travail similaire, de modélisation puis de séquençage, afin d’établir si les différentes formes de TMPRSS2 pourraient avoir un impact sur la sévérité clinique de la Covid-19. 

« L’affinité entre le SARS-CoV‑2 et nos cellules peut être modulée par ces différentes variations génétiques, mais aussi par celles qui affectent le virus. Le variant récemment identifié en Grande-Bretagne en est l’illustration : les données disponibles suggèrent qu’il est porteur de mutations qui le rendent plus infectieux que le virus originel. Lors de nos travaux, nous avions modélisé la protéine Spike correspondante et observé qu’elle présente une plus forte affinité pour la forme majoritaire du récepteur ACE2. En revanche, son affinité pour d’autres polymorphismes du récepteur est diminuée. On comprend donc que l’interaction entre le SARS-CoV‑2 et nos cellules dépend de plusieurs paramètres, liés à la fois au virus et à l’individu, ce qui rend l’équation particulièrement complexe. »

Note :
* unité 1138 Inserm/Université de Paris, Centre de recherche des Cordeliers, équipe Cancer, Immune Control and Escape, et service de chirurgie thoracique, hôpital Cochin, AP-HP 

Sources :
Calcagnile M et al. Molecular docking simulation reveals ACE2 polymorphisms that may increase the affinity of ACE2 with the SARS-CoV‑2. Biochimie Volume 180, January 2021, Pages 143–148 doi : 10.1016/j.biochi.2020.11.004