Rétinite pigmentaire : la thérapie génique progresse pour certaines formes

Des chercheurs ont réussi à corriger une anomalie affectant la protéine rhodopsine, responsable de certaines rétinites pigmentaires. La stratégie employée est une thérapie génique permettant non seulement la production de protéines fonctionnelles, mais visant aussi à supprimer la synthèse des protéines anormales impliquées dans la dégénérescence de cellules de la rétine et conduisant à la cécité.

La thérapie génique pourrait bien aider à enrayer certain cas de rétinites pigmentaires dans les années à venir. Cette maladie génétique concerne une personne sur 4 000. Elle se caractérise par une dégénérescence progressive des photorécepteurs de la rétine qui convertissent les signaux lumineux en signaux électriques adressés au cerveau. Il en résulte une baisse de vision puis, à terme, une cécité totale faute de traitement efficace disponible. 

La transmission de la maladie est souvent « autosomique dominante » : cela signifie que la maladie se déclenche chez tout individu porteur d’une version mutée d’un gène intervenant dans le fonctionnement des photorécepteurs, quand bien même son génome contient une seconde copie non mutée du même gène. Dans au moins un tiers de ces cas, le gène impliqué est celui de la rhodopsine. Une équipe Inserm*, co-dirigée par Alexis Bemelmans et José Sahel à l’Institut de la Vision (Paris), a donc choisi de développer une approche permettant de restaurer la fonction de cette protéine par thérapie génique. 

Cibler l’ARN

Leur objectif est de parvenir à remplacer la rhodopsine « malade » par de la rhodopsine « saine ». Pour cela, les chercheurs ont décidé de cibler non pas l’ADN, mais l’ARN messager produit à partir du gène muté de la rhodopsine. Ils ont mis au point une molécule d’ARN capable dereconnaitre et de « réparer » l’ARN messager anormal de la rhodopsine, de manière à conduire à la production d’une protéine fonctionnelle à partir d’un gène muté. Cette stratégie est celle du « trans-épissage ». « Une grosse partie du travail a été de déterminer la séquence à cibler sur l’ARN de la rhodopsine, celle sur laquelle notre ARN exogène va s’accrocher. Une fois cet amorçage effectué, la machinerie cellulaire induit le remplacement de la séquence mutée de l’ARN messager par la séquence saine portée par l’ARN exogène, au moyen d’un mécanisme endogène appelé épissage », explique Adeline Berger, co-auteur des travaux. 

Un dispositif encourageant

Les chercheurs ont ensuite testé leur approche chez la souris. Ils ont injecté dans la rétine des animaux un vecteur viral de type AAV (adeno-associated virus), très efficace pour infecter les cellules de la rétine, capable de synthétiser l’ARN thérapeutique. Cette expérience devait leur permettre de vérifier que l’ARN thérapeutique testé s’amorce bien à l’ARN messager à corriger et permet d’obtenir la production de rhodopsine fonctionnelle. Il fallait aussi s’assurer que les ARN qui restent libres ne provoquent pas l’expression de morceaux de protéines indésirables. C’est trois objectifs ont été atteints et les chercheurs n’ont pas détecté d’effet indésirable particulier. Toutefois, les résultats doivent encore être améliorés : environ 30% des cellules de la rétine ont été infectées par le virus et, dans celles-ci, environ 22% des protéines de rhodopsine ont été corrigées. « Ces résultats sont encourageants. Mais la rhodopsine est fortement exprimée dans la rétine : il faut donc théoriquement corriger bien plus de protéines pour arriver à un résultat clinique satisfaisant » explique Adeline Berger. 

Point positif, lorsque la séquence codant pour l’ARN correcteur est introduite dans la cellule, elle est conservée au cours du temps : en effet, les photorécepteurs sont des cellules qui ne se divisent pas et le vecteur AAV permet l’expression de la molécule thérapeutique à long terme. Une seule injection sera donc à priori nécessaire. 

Les chercheurs vont maintenant poursuivre leurs travaux de manière à améliorer leur dispositif. Ils espèrent pouvoir un jour le tester sur l’Homme. « Rien ne s’y oppose en théorie, mais il faudra être certain que l’ARN thérapeutique ne s’exprime pas ailleurs et ne s’accroche pas sur d’autres ARN messager que celui de la rhodopsine », conclut-elle.

Note

*unité 968 Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie (Institut de la vision, Paris), en collaboration avec le Centre de recherche en imagerie moléculaire MIRCen (Inserm/CEA, Institut d’imagerie biomédicale, Fontenay-aux-Roses) et l’unité 974 Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie (Centre de recherche en myologie, Paris). 

Source

A. Berger et coll. Repair of rhodopsin mRNA by spliceosome-mediated RNA trans-splicing : a new approach for autosomal dominant retinitis pigmentosa. Mol Ther, édition en ligne du 26 janvier 2015