Réparer l’os en cas de mucoviscidose

La fragilité osseuse spécifique des personnes atteintes de mucoviscidose pourrait bientôt être prise en charge beaucoup plus sérieusement. Les mécanismes à l’origine de ce phénomène sont mieux compris et des candidats médicaments sont en cours de développement. Un espoir pour les patients chez qui les fractures des côtes et des vertèbres aggravent la maladie.

© Inserm, M. Depardieu

Bientôt un nouveau traitement contre la fragilité osseuse des personnes atteintes de mucoviscidose ? Deux publications parues coup sur coup en offrent l’espoir. Des chercheurs de l’Inserm ont en effet identifié certains facteurs contribuant à cette fragilité chez l’homme et testé avec succès, chez la souris, une molécule permettant de restaurer la densité osseuse. 

Des mécanismes identifiés

« Pendant très longtemps nous avons cru que l’inflammation pulmonaire persistante, les traitements prolongés par corticoïdes à haute dose, ou encore les problèmes nutritionnels rencontrés par les patients, par exemple une mauvaise absorption du calcium, étaient responsables de la progression de leur fragilité osseuse. Mais il y a près de cinq ans, des chercheurs qui se sont plus particulièrement intéressés à ce problème ont montré que des cas d’ostéopénie sévère, c’est-à-dire de réduction drastique de la densité osseuse par rapport à la normale, pouvaient survenir chez des sujets très jeunes, âgés d’à peine quatre ans. Difficile donc de concevoir qu’il n’y avait pas un mécanisme propre à la maladie pour expliquer ce phénomène », raconte Jacky Jacquot*, coauteur des deux études. 

Son équipe s’est alors penchée sur les cellules osseuses des patients porteurs de la mutation F508del, une mutation retrouvée dans 75 % des cas de mucoviscidose. Les chercheurs se sont en particulier intéressés aux ostéoblastes, les cellules responsables de la formation de l’os. Ils ont découvert que deux gènes bien connus pour leur rôle majeur dans la maturation et l’activité de ces cellules y sont sous-exprimés : les gènes SMAD2 et COX‑2. De plus, ils ont pu y observer un faible niveau de production de la protéine ostéoprotégérine et une quasi-absence de prostaglandine E2, deux composés fortement impliqués dans la formation et la réparation de l’os. « Cette étape était nécessaire pour comprendre et connaître la maladie osseuse dans la mucoviscidose. Elle va maintenant permettre de développer et de tester de nouveaux médicaments », se réjouit Jacky Jacquot. 

Des pistes thérapeutiques

Intervenir sur cette fragilité osseuse est essentiel pour les patients. Elle peut en effet entraîner des fractures de côtes et des vertèbres, conduisant à un affaissement de la cage thoracique délétère pour la fonction respiratoire et propice aux infections pulmonaires. En outre, ces fractures sont une contre-indication à la transplantation pulmonaire, seul espoir de survie pour les patients les plus affectés. 

Les traitements actuellement utilisés contre l’ostéoporose chez l’adulte, comme les biphosphonates, ne sont pas adaptés dans ce contexte. Les chercheurs évaluent donc d’autres pistes plus spécifiques. L’équipe de Jacky Jacquot vient à ce titre de réussir à restaurer la croissance osseuse chez la souris, grâce à une molécule capable de pallier partiellement la fonction de la protéine CFTR altérée en cas de mutation F508del. L’administration de ce produit, le Miglustat, est actuellement autorisée dans le traitement de la maladie de Gaucher.

Depuis, une nouvelle piste encore plus prometteuse s’est offerte aux chercheurs. Ces derniers ont en effet signé un contrat avec la société Vertex qui développe plusieurs molécules correctrices et activatrices de la protéine CFTR F508del, afin d’évaluer le bénéfice de ces produits sur l’activité des ostéoblastes des patients. L’un de ces candidats médicaments s’avère particulièrement prometteur et a de fortes chances d’arriver sur le marché. 

Note

* équipe EA 4691, BIOS, Université Reims Champagne Ardenne, Pôle Santé, SFR CAP-Santé FED 4231, Reims 

Sources

C. Le Henaff et coll. Enhanced F508del-CFTR channel activity ameliorates bone pathology in murine cystic fibrosis. Am J Pathol, édition en ligne du 13 février 2014 
F. Velard et coll. Cystic fibrosis and bone disease : Defective human osteoblast maturation with the F508del mutation in cystic fibrosis transmembrane conductance regulator. Am J Respir Crit Care Med, édition en ligne du 15 mars 2014