Réduire le transfert de gènes entre les bactéries pourrait diminuer les cas de virulence ou de résistance aux antibiotiques

La virulence de certaines bactéries et la résistance aux antibiotiques pourraient diminuer en limitant les transferts de matériel génétique entre souches...

Les échanges de matériel génétique favorisent la communication et l’entraide entre bactéries et ce phénomène semble concerner des gènes de virulence ou de résistance aux antibiotiques. C’est ce que vient de montrer une équipe Inserm* qui s’intéresse à ces transferts observés à l’état naturel. « Les bactéries échangent du matériel génétique en permanence. Ce matériel circule sous forme de plasmides, des molécules d’ADN surnuméraire distincte de l’ADN chromosomique, qui contiennent notamment des gènes codant pour des protéines de « coopération ». Ces protéines favorisent la croissance et la survie des bactéries qui les contiennent, mais aussi celles de leurs voisines. Certaines de ces protéines peuvent notamment conférer une virulence ou une résistance à un antibiotique. Les taux de transfert des plasmides varient d’un facteur 1 à environ 100 millions selon le milieu et les conditions environnementales, suggérant une très bonne adaptation des bactéries à communiquer avec les autres et à s’en faire des alliées en cas de besoin », explique François Taddéi, co-auteur des travaux. 

Un modèle de biologie synthétique

© Inserm/Hudault, Sylvie Interactions entre cellules cancéreuses de l’intestin grêle et bactéries pathogènes. On voit, en rouge, une enzyme présente à la surface des cellules et servant à la digestion des sucres. Des bactéries infectieuses, Escherichia coli, en vert, responsables d’un type de diarrhées sont venues s’y fixer et ont modifié la distribution de l’enzyme.

Pour étudier ce phénomène, les chercheurs ont développé un modèle de biologie synthétique. Cela consiste à « construire » des bactéries « comme des lego », illustre François Taddéi, afin de maîtriser les paramètres d’échanges de plasmides et de connaître les gènes transmis. Les chercheurs peuvent intégrer des gènes de résistance aux antibiotiques, priver les plasmides de certains gènes pour évaluer leur importance... Cet exercice permet ensuite de suivre le taux de transfert, la capacité à donner et à recevoir, la sécrétion de protéines de coopération, la capacité des bactéries à coopérer… Au cours de cette étude, les auteurs ont mis en présence des souches avec des capacités de transfert et de sécrétion variables et en étudiant leur devenir dans différentes conditions. 

Réduire les transferts de plasmide

Leurs résultats montrent que le transfert de plasmides favorise le maintien de la sécrétion des protéines de coopération malgré le coût de cette sécrétion pour les bactéries productrices, en particulier lorsque le transfert se fait entre bactéries voisines. Cela améliore la survie et le développement des populations bactériennes sécrétrices et receveuses. C’est probablement ce qui se passe dans un système complexe et riche comme le tube digestif humain. La diversité des bactéries pourrait favoriser les échanges de plasmides, notamment ceux porteurs de gènes de virulence ou de résistance et cela pourrait contribuer à augmenter la prévalence de souches virulentes ou résistantes aux antibiotiques. « Ces observations suggèrent que réduire les échanges de plasmides entre les bactéries dans ce type de milieu permettrait de diminuer les cas de virulence et de résistance aux antibiotiques », explique François Taddei. « Il est aujourd’hui possible de freiner ces transferts in vitro. Nous disposons donc de certains outils. Mais à ce jour et à ma connaissance, rien n’a été testé en clinique », conclut-il.

Note

*unité 1001 Inserm/ Université Paris-Descartes, Faculté de Médecine Paris-Descartes, Paris 

Source

T. Dimitriu et coll. Genetic information transfer promotes cooperation in bacteria. Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne du 14 juillet 2014