Les rats nouveau-nés ont déjà la notion du temps

La notion du temps survient très tôt chez le raton : elle fait alors appel à des réseaux neuronaux indépendants du striatum, structure cérébrale dont l’activité est pourtant associée à l’encodage de cette notion chez l’adulte. Ces travaux ouvrent la voie à la découverte de circuits cérébraux alternatifs.

Paupières et oreilles tout juste ouvertes et décollées, les ratons ont déjà la notion du temps. C’est ce que vient de montrer une équipe du Centre de recherche en neurosciences de Lyon qui étudie l’encodage du temps par le cerveau. L’objectif : mieux comprendre les distorsions observées dans certaines pathologies humaines. 

Au départ de cette étude, les chercheurs voulaient non seulement vérifier l’âge à partir duquel les animaux perçoivent le temps, mais également le rôle du striatum dans cette perception. Chez l’adulte, cette structure cérébrale est en effet fortement impliquée dans l’encodage du temps qui passe. 

Dans ce but, les chercheurs ont soumis des rats âgés de deux semaines à une expérience qui permet d’évaluer leur capacité à percevoir le temps : Chez un premier groupe de ratons, une odeur est délivrée pendant 20 secondes, puis un petit choc électrique leur est immédiatement délivré au niveau de la patte. Chez les animaux du second groupe, le choc est administré indépendamment de l’odeur, plusieurs minutes après la fin du stimulus olfactif. Les chercheurs ont renouvelé ces expériences à plusieurs reprises, pour conditionner les animaux. Ils ont ensuite mesuré leur immobilisme et leur rythme respiratoire, deux manifestations corporelles associées à la peur. Ils ont constaté que les animaux habitués à recevoir le choc juste après le stimulus olfactif avaient appris à « avoir peur de l’odeur », alors que les autres pas du tout. De plus, leur réponse de peur était maximale juste avant l’arrivée du choc, révélant un apprentissage de l’intervalle de temps entre les deux événements. 

Des structures cérébrales à découvrir

Dans un second temps, les chercheurs ont observé l’activité du striatum chez ces animaux. Ils ont constaté que cette structure cérébrale restait inactive pendant l’expérience, contrairement à ce qui se passe chez les rats adultes. « Ce résultat n’est pas surprenant compte tenu du degré d’immaturité du striatum chez ces jeunes animaux. Mais il est intéressant car il suggère qu’il existe des structures alternatives permettant une mise en place de la représentation du temps dès un stade précoce », explique Anne-Marie Mouly*, coauteur des travaux. 

Les chercheurs vont maintenant tenter de découvrir la nature de ces structures : « L’amygdale ou encore le cortex olfactif qui sont déjà matures à cet âge pourraient par exemple être impliqués », suggère la chercheuse. A terme, l’équipe espère identifier le réseau cérébral impliqué dans la perception et l’encodage du temps, pour mieux comprendre les distorsions constatées dans certaines maladies, notamment celles où le système dopaminergique est altéré comme la maladie de Parkinson ou celle de Huntington. 

Notes

*unité 1028 Inserm/CNRS/Université de Lyon 1 

Sources

J Boulanger Bertolus et coll. Infant rats can learn time intervals before the maturation of the striatum : evidence from odor fear conditioning. Front Behav Neurosci du 15 mai 2014 (8:176)