Une protéine clé permet aux embryons et aux nouveau-nés de subvenir à leurs besoins en fer

Chez la souris, les embryons et les nouveau-nés utilisent une protéine, la matriptase‑2, pour augmenter drastiquement la concentration de fer libre à leur disposition. Les chercheurs qui viennent de mettre ce mécanisme en évidence voient déjà en cette protéine un outil diagnostic et thérapeutique.

Les mécanismes qui régulent de la concentration du fer dans le sang s’adaptent à toutes les situations. Ainsi, une équipe Inserm vient de montrer chez la souris qu’une protéine appelée matriptase‑2 (Mt2) garantit le maintien de taux élevés pendant tout le développement embryonnaire et les premiers mois de la vie. 

L’embryon et le nouveau-né ont en effet des besoins en fer très importants. Pourtant, les apports dont ils disposent sont relativement modestes. Pendant la gestation, le métal vient de la mère via le placenta. Il est ensuite exclusivement apporté par le lait maternel, hélas assez pauvre en fer. Impossible donc d’imaginer que l’organisme ne dispose pas d’un mécanisme puissant pour retenir et exploiter tout le fer libre qui arrive dans leur sang. Et c’est effectivement le cas : la protéine Mt2 empêche toute liaison et tout stockage du fer circulant, permettant ainsi à l’organisme de l’utiliser entièrement pendant ces périodes. 

Les chercheurs sont parvenus à cette découverte grâce à des souris génétiquement modifiées pour présenter une déficience en protéine Mt2. Ils ont mesuré leur taux d’hepcidine (une hormone impliquée dans la régulation du fer) et leur taux de fer au cours du développement et après la naissance. 

La matriptase ‑2 agit comme un verrou

© Inserm/Lambry, Jean-Christophe Vue de la structure de l’hémoglobine telle qu’elle a été déterminée par cristallographie à rayons X. Les azotes sont en rouge, les carbones en brun, les oxygènes en bleu, les fers en vert et les souffres en jaune. Hème.

« L’hepcidine est une molécule clé de l’homéostasie du fer. C’est une sorte d’insuline du fer : elle est fabriquée par le foie et abaisse le taux de fer dans le sang comme le fait l’insuline pour le sucre. Si sa production est insuffisante ou qu’elle est mal utilisée par le corps, la concentration de fer augmente. A l’inverse, s’il y a trop d’hepcidine, la concentration de fer chute et entraine un risque d’anémie. Dans toutes les situations et les maladies associées à un problème de régulation du fer, cette hormone et les protéines qui régulent sa synthèse sont impliquées. L’activité de l’hepcidine dépend en effet de différents régulateurs, positifs et négatifs. La protéine Mt2 est un de ces régulateurs : elle constitue un régulateur négatif important. Localisée dans la membrane des hépatocytes, cette protéine a été identifiée en 2008. Chez l’adulte, des analyses génétiques de grandes cohortes ont démontré l’existence d’un lien étroit entre cette protéine et les taux de fer ou certains paramètres hématologiques comme la concentration en hémoglobine. C’est pourquoi nous suspections son implication au cours du développement », détaille Gaël Nicolas*, co-auteur des travaux. 

A l’issue de leurs expériences, les chercheurs ont en effet constaté que les souris déficientes en Mt2 présentaient des taux élevés d’hepcidine et un déficit en fer. Elles étaient anémiées dès le stade embryonnaire et le sont restées après la naissance. « Nous avons la preuve que ce régulateur Mt2 est extrêmement puissant dès le développement précoce », clarifie le chercheur. 

Vers une meilleure prise en charge

Ces travaux apportent une pierre de plus à la compréhension de l’homéostasie du fer et de ses acteurs. Ils ouvrent ainsi de nouvelles opportunités diagnostiques et thérapeutiques : « Mesurer le taux d’hepcidine chez des enfants anémiés pourrait orienter vers le diagnostic d’un dysfonctionnement de Mt2, estime Gaël Nicolas. En outre, bien que nous ne sachions pas encore précisément comment agit cette protéine, elle pourrait constituer une cible thérapeutique permettant de mieux contrôler la concentration de fer dans le sang », conclut-il. 

Note

* Equipe « Fer, oxygène et senseurs énergétiques en physiopathologie » dirigée par Sophie Vaulont et Benoit Viollet à l’Institut Cochin, unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris-Descartes, Paris 

Source

A. Willemetz et coll. Matriptase‑2 is essential for hepcidin repression during fetal life and postnatal development in mice to maintain iron homeostasis. Blood, édition en ligne du 5 juin 2014