Un premier atlas du métabolisme circadien

Une équipe de l’unité mixte internationale Inserm/Université de Californie, située à Irvine aux Etats-Unis, vient de réaliser – chez la souris – un atlas de la régulation du métabolisme au cours des 24 heures de la journée. Désormais accessible à toute la communauté scientifique, cet atlas montre déjà qu’un régime riche en graisses perturbe fortement le fonctionnement des organes, probablement en désynchronisant leurs horloges biologiques.

L’horloge biologique qui contrôle notre rythme circadien est infiniment plus complexe que ce que les scientifiques imaginaient il y a une dizaine d’années. Une horloge centrale impose un rythme d’environ 24 heures à l’organisme, contrôlant de nombreuses fonctions de façon cyclique : l’endormissement et le réveil, l’humeur, la digestion, etc. Mais pour optimiser chacune de ses fonctions, l’organisme est également doté d’horloges périphériques dans les différents organes (rétines, foie, muscles, etc.). Elles affinent la régulation et améliorent l’efficacité de chacun de ces organes, pour s’adapter aux contraintes externes et internes. Ainsi, une personne qui travaille la nuit pourra garder une bonne acuité visuelle même si son horloge biologique centrale lui dicte de mettre ses rétines au repos. 

Chaque horloge dispose de synchroniseurs : l’horloge centrale se cale principalement sur l’exposition à la lumière et donne le rythme principal aux horloges périphériques, mais d’autres signaux – dont beaucoup restent à découvrir – renseignent également les différentes horloges périphériques sur l’état dans lequel elles doivent se trouver à chaque instant. Il s’agit donc d’un système complexe. 

Le métabolisme suivi dans différents tissus

Pour aller plus loin dans la compréhension de la régulation circadienne du métabolisme, Paolo Sassone-Corsi et son équipe de l’unité mixte internationale Inserm/Université de Californie (Irvine, Etats-Unis), ont créé un atlas de la régulation du métabolisme sur 24 heures, chez la souris. Cet atlas est à disposition de toute la communauté scientifique.

Pour y parvenir, les chercheurs ont effectué des prélèvements sur les animaux toutes les 4 heures, et dosé des centaines de métabolites (acides gras, acides aminés, sucres, peptides, vitamines ou encore nucléotides) dans les cellules de plusieurs tissus et liquides biologiques : deux régions du cerveau, muscle, tissus adipeux, foie, sérum et sperme. « Analyser autant de molécules permet de se renseigner sur de très nombreuses voies métaboliques », explique Paolo Sassone-Corsi. Des cartes ont ainsi été dressées pour chaque tissu, représentant la concentration de toutes ces molécules aux différents moments de la journée et de la nuit. 

Elles permettent d’observer de grandes divergences entre le fonctionnement des organes à des heures équivalentes, mais aussi des homologies fortes avec des oscillations synchrones de certains métabolites dans différents organes. « Il parait évident que les organes communiquent entre eux pour coordonner leur fonctionnement. Reste à trouver quelles sont ces voies de communication et ce qui se passe si on les perturbe », explique Paolo Sassone-Corsi. 

Des horloges déréglées par un régime gras

Dans un second temps, les chercheurs ont administré un régime riche en graisses à des souris et ont recommencé l’expérience. Ils ont alors constaté que les rythmes précédemment observés étaient totalement perturbés et ce, dans tous les tissus. La répartition des métabolites dans les différents types cellulaires notée en conditions normales n’était pas du tout reproductible en cas de régime gras. Telle une vaste cacophonie. « Cette alimentation, que l’on peut comparer à un régime occidental trop riche, semble désynchroniser les horloges périphériques entre elles. Cela se manifeste par une modification du métabolisme, indépendante dans chaque tissu et dont on peut imaginer qu’elles ne sont pas sans conséquence pour la santé », conclut Paolo Sassone-Corsi. Reste à comprendre comment surviennent ces dérèglements et à déterminer leur impact sur l’organisme.

Ces laboratoires qui participent au rayonnement de l’Inserm à l’étranger

L’Unité Inserm Contrôle épigénétique et métabolique de la plasticité cellulaire (unité 1233) actuellement dirigée par Paolo Sassone-Corsi a été créée en 2008 par le Pr Emiliana Borrelli. Elle a l’originalité de se trouver près de Los Angeles aux Etats-Unis. Il s’agit d’une unité mixte Inserm/Centre pour l’épigénétique et le métabolisme de l’Université de Californie Irvine. 

Aux côtés des laboratoires internationaux/européens associés (LIA/LEA) et des groupes de recherche conjoints, les unité mixtes internationales permettent de nouer des collaborations inédites et d’assoir la réputation de l’Inserm à l’étranger, avec des résultats scientifiques majeurs. 

Pour en savoir plus sur les outils de coopération internationale de l’Inserm

Source : KA Dyar et coll. Atlas of Circadian Metabolism Reveals System-wide Coordination and Communication between Clocks. Cell du 6 septembre 2018. DOI:https://doi.org/10.1016/j.cell.2018.08.042