AccueilActualitéPortraitsMarc Humbert : Hypertension artérielle pulmonaire, le combat d’un médecin engagéMarc Humbert : Hypertension artérielle pulmonaire, le combat d’un médecin engagé Publié le : 25/11/2025 Temps de lecture : 7 min PortraitsLauréat du Grand Prix Inserm 2025, le pneumologue et chercheur Marc Humbert a consacré sa carrière à décrypter les mécanismes de l’hypertension artérielle pulmonaire. De la caractérisation de la maladie à l’établissement de registres, ses travaux ont transformé la prise en charge des patients. Ils ont ainsi ouvert la voie à des thérapies innovantes comme le sotatercept, aujourd’hui porteur d’espoir.Marc Humbert, unité 999 Inserm/Université Paris-Saclay, Hypertension pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique ©Inserm/François GuénetIl est l’un des spécialistes mondiaux, voire le spécialiste, de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). C’est d’ailleurs l’ensemble de la carrière de Marc Humbert que vient récompenser le Grand Prix Inserm. Caractérisation de la maladie, création d’un registre national, mise au point de traitements innovants… les contributions du directeur de laboratoire à la lutte contre cette maladie sont nombreuses. Et malgré un terrain d’étude et de pratiques médicales difficile, il reste enthousiaste.Issu d’une famille d’ingénieurs, d’enseignants et de médecins de campagne, Marc Humbert opte pour cette troisième voie : il sera donc médecin, mais un médecin engagé dans la recherche, l’innovation et l’enseignement ! Très tôt, la pneumologie s’impose comme la spécialité qu’il choisira : « Mon stage en pneumologie à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart (AP-HP) m’a beaucoup impressionné, par la qualité de la prise en charge et par les liens humains et amicaux entre patients et soignants. »Un stage postdoctoral déterminantAprès qu’il a obtenu son diplôme d’études spécialisées de pneumologie et passé une thèse en immunologie, ses mentors de l’époque – Pierre Duroux et Gérald Simonneau – lui conseillent de faire un stage postdoctoral à l’étranger. Ce sera Londres, pendant deux ans au cours desquels il étudiera les bases cellulaires et moléculaires de l’inflammation bronchique chez l’asthmatique. « J’ai fait beaucoup d’analyses de tissus et rapporté de nouvelles techniques : à mon retour en France en 1995, j’étais prêt à créer mon laboratoire, rapporte-t-il. Je suis rentré transformé de Londres et de l’Imperial College avec lequel je collabore toujours : j’avais été initié à certaines grandes questions de la recherche médicale. » « On ne s’enrichit que par l’expérience », rajoute celui qui est désormais directeur de recherche et accueille de nombreux étudiants, précisant que « tous les pays sont bienvenus ».Marc Humbert souhaite alors explorer en profondeur les mécanismes de l’HTAP. « La maladie est causée par un remodelage obstructif des petites artères pulmonaires et se caractérise par une augmentation progressive de la pression artérielle pulmonaire qui conduit à une insuffisance cardiaque droite », résume le chercheur. La prévalence de l’HTAP est de 15 à 50 cas par million d’habitants, ce qui correspond à quelques milliers de patients en France. L’un des problèmes de cette maladie : des symptômes peu spécifiques au début, de type essoufflement à l’effort et fatigue. Pourtant, elle engage le pronostic vital, et lorsqu’elle est diagnostiquée, elle entraîne la mort dans les trois ans ! Du moins, c’était le cas il y a 30 ans.À l’époque, l’HTAP est une maladie dite « orpheline » : on ne lui connaît pas de gène responsable, ni de médicaments spécifiques. « Seuls les médicaments vasodilatateurs et la transplantation pulmonaire venaient soulager les malades. Il faut attendre les années 1990 pour que des traitements dédiés voient le jour mais ils doivent être administrés par perfusion intraveineuse continue. »Banque de données et registresTout est donc à découvrir, et c’est ce que fera Marc Humbert. Au fil des ans, il va mettre en place une banque de données et une collection de tissus pulmonaires provenant de patients atteints d’HTAP ou d’autres formes d’hypertension pulmonaire. Elle contient des tissus de poumons explantés, des biopsies pulmonaires, des échantillons sanguins ainsi que les données cliniques et génétiques reliées aux patients.Au sein du service de pneumologie et soins intensifs respiratoires qu’il dirige à l’hôpital Bicêtre (AP-HP), il a aussi constitué avec son collègue Olivier Sitbon l’un des plus grands registres mondiaux de l’hypertension pulmonaire, avec plus de 18 000 cas répertoriés. Cela permet des études épidémiologiques robustes et un meilleur suivi des patients. « Bien sûr, nous avons adapté ces bases de données au fil de l’évolution des réglementations », précise-t-il. Le service a ainsi été labellisé « centre de référence » pour cette maladie dès le premier plan national Maladies rares en 2004.Marc Humbert s’appuie aussi sur des modèles expérimentaux cellulaires et animaux (souris, rat, cochon) pour développer une recherche translationnelle de pointe au sein du laboratoire Hypertension pulmonaire : physiopathologie et innovation thérapeutique. « Avec l’Inserm, l’université Paris-Saclay, l’AP-HP et l’hôpital Marie-Lannelongue au Plessis-Robinson, nous avons la chance de travailler avec des spécialistes de nombreuses disciplines : biologistes, ingénieurs, médecins, chirurgiens, spécialistes des bases de données et de l’intelligence artificielle en santé… L’interdisciplinarité est très féconde ! »Toutes ces activités de recherche sont motivées par la volonté d’assurer une meilleure prise en charge clinique des malades, dont certains sont devenus des amis du praticien. Il souligne d’ailleurs le rôle essentiel des associations de patients : « Nous avons grandi ensemble, elles nous soutiennent vraiment dans nos recherches. »Sur la piste de l’inflammationIl est l’un des premiers à discuter du rôle de l’inflammation dans l’hypertension pulmonaire : « Dans les congrès où j’étais invité à en parler, on me plaçait souvent en fin de programme… », s’amuse-t-il à rappeler. Ce qui le met sur la piste ? L’association de l’HTAP avec des maladies auto-immunes. Parmi ses principales découvertes, il a montré avec son équipe, maintenant codirigée par Christophe Guignabert, que le dysfonctionnement de la couche interne des vaisseaux est le point de départ du remodelage vasculaire. Un dysfonctionnement endothélial qui met en jeu le recrutement de cellules inflammatoires et la libération de cytokines et de facteurs de croissance, des molécules qui se fixent à des récepteurs spécifiques et activent une cascade de réactions. Cette découverte est à la base de traitements innovants de l’HTAP qui ont été testés dans de grands essais internationaux qu’il a contribué à concevoir et publié dans des revues internationales.Le pneumologue montre également que certains patients souffrant d’HTAP présentent des mutations du gène BMPR2, qui code pour une protéine de la famille du Transforming Growth Factor‑β. Cette voie de signalisation – une série de réactions chimiques – régule normalement la prolifération et la survie des cellules de la paroi des vaisseaux pulmonaires. Quand le gène BMPR2 est muté, cela installe un micro-environnement qui peut favoriser le remodelage vasculaire pulmonaire.Cette découverte est à l’origine d’un tout nouveau traitement qui vient de faire ses preuves dans quatre essais cliniques successifs. En effet, le dysfonctionnement de la voie de signalisation du Transforming Growth Factor‑β s’accompagne d’une surexpression de l’activine, qui contribue à la prolifération cellulaire. « L’idée était donc d’inhiber l’activine, détaille Marc Humbert. Nous avons été contactés par une start-up américaine, Acceleron Pharma. » L’entreprise produisait des protéines artificielles capables de bloquer la fixation de certaines molécules sur les récepteurs de type IIA de l’activine et ainsi de limiter son action biologique. « Nous avons donc mis en place ensemble un programme de recherche clinique. »Un traitement innovantLe sotatercept est ainsi né. Les résultats d’un essai clinique publié en mars 2025 ont montré que l’ajout de sotatercept au traitement standard maximal toléré de l’HTAP réduisait le risque de décès, de transplantation pulmonaire ou d’événements d’aggravation clinique imposant une hospitalisation et qu’il améliorait la capacité à l’effort et la classe fonctionnelle par rapport aux traitements standards seuls de l’HTAP. Les résultats de l’analyse intermédiaire de cet essai thérapeutique montraient un tel bénéfice qu’un comité indépendant a demandé son arrêt pour que les patients du groupe contrôle – qui ne recevaient que le traitement classique – puissent bénéficier du médicament.« Mes patients sont très fragiles, c’était donc un soulagement de savoir que le traitement était globalement bien toléré dans les différents essais cliniques, même s’il faut rester vigilant sur la tolérance à long terme. De plus, elle augmente le taux d’hémoglobine, pourvoyeuse d’oxygène, ce qui dans le cas de l’HTAP est aussi une bonne nouvelle ! », se réjouit Marc Humbert.Chercheur, médecin, mais aussi doyen de la faculté de médecine Paris-Saclay parmi tant d’autres titres, Marc Humbert affirme aimer dormir. Mais pouvoir diminuer son temps de sommeil quand il s’enthousiasme. Ce qui semble souvent le cas. Parmi ses raisons de s’enthousiasmer ? Destination 2024. Ce projet de recherche hospitalo-universitaire, soutenu par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme d’Investissements d’avenir, vise à favoriser le diagnostic précoce d’une forme d’hypertension pulmonaire causée par des séquelles d’embolie pulmonaire, d’en évaluer la sévérité et de proposer une stratégie de prise en charge multidisciplinaire, en s’appuyant sur l’imagerie, l’intelligence artificielle, la biologie, l’innovation thérapeutique médicamenteuse et les approches interventionnelles par angioplastie, une technique médicale utilisée pour déboucher les artères. Autres raisons de son enthousiasme, ou plutôt de sa fierté ? Sa famille – sa femme et ses trois enfants –, avec qui il partage des activités culturelles et musicales. Lorsqu’il a appris qu’il était lauréat du Grand Prix Inserm, ses premières pensées sont allées vers eux. Et aussitôt après à la chaîne de solidarité extraordinaire partie des patients et de leurs aidants : grâce à eux existent désormais de nouvelles solutions de prise en charge d’une maladie qui reste grave, mais qui n’est plus orpheline. La route continue. Il faut guérir l’HTAP.Découvrir les autres lauréates et lauréats des Prix Inserm 2025