Polluants atmosphériques : les transplantés pulmonaires pourraient être particulièrement vulnérables

Le suivi des patients français ayant bénéficié d’une greffe du poumon montre que leur fonction respiratoire est d’autant plus diminuée que les principaux polluants atmosphériques sont concentrés dans leur environnement immédiat. Un argument supplémentaire pour réduire l’exposition à la pollution atmosphérique…

Le dioxyde d’azote (NO2) et les particules qui polluent notre environnement sont connus pour réduire les fonctions respiratoires des enfants et des adultes dans la population générale. Des chercheurs ont voulu en savoir plus sur l’impact de ce phénomène chez les personnes ayant bénéficié d’une transplantation pulmonaire. En effet, la récupération d’une fonction respiratoire normale après la greffe est progressive : pendant de nombreux mois, ces sujets sont vulnérables et à risque de rejet de greffe. Les chercheurs ont donc analysé la fonction pulmonaire de personnes transplantées en fonction de la pollution atmosphérique moyenne sur leur lieu d’habitation. Ce travail confirme bien l’effet délétère du NO2 et des particules sur le souffle des personnes greffées.

Photographie fidèle de l’exposition quotidienne des français transplantés pulmonaires

En pratique, Meriem Benmerad* a compilé les données relatives à 520 patients transplantés, soit une large partie des patients français ayant bénéficié d’une greffe pulmonaire entre 2009 et 2013, regroupés au sein de la cohorte française COLT (Cohort in Lung Transplantation), dans le cadre d’un travail rapprochant plusieurs équipes hospitalo-universitaires et de l’Inserm. « Ces patients bénéficiaient d’une évaluation de leur fonction respiratoire tous les 6 mois. Pour chaque patient, nous avons calculé la concentration moyenne des polluants atmosphériques sur les 12 mois précédant chacun de ces tests, en fonction de l’adresse résidentielle. Nous pouvions ainsi évaluer l’association entre les mesures de la fonction respiratoire et le niveau de pollution » explique la chercheuse. 

Deux paramètres principaux ont été étudiés dans ce cadre : d’une part, le VEMS qui correspond au maximum d’air qu’un patient peut expirer en 1 seconde, et qui peut être le reflet d’une obstruction des bronches. D’autre part, la CVF ou capacité vitale forcée, qui correspond au volume total que les patients peuvent expirer au cours d’une expiration forcée. Parallèlement, deux polluants atmosphériques ont été analysés : le NO2 et les particules, fines (<2,5 dites PM2,5) ou non (<10 µm dites PM10). Résultat : une hausse de l’exposition de ces polluants sur 12 mois était associée à une baisse de la CVF.

Pour exemple, chaque fois que la concentration en PM10 augmentait de 5µg/m³, la valeur de la CVF, exprimée en pourcentage de la valeur normalement attendue pour une personne du même sexe, du même âge et de la même taille, était abaissée de 2,56%. Pour comprendre la significativité de ces chiffres, rappelons que l’objectif de qualité de l’air pour les PM10 est de 30 µg/m3 en moyenne annuelle et de 50µg/m³ en moyenne journalière, à ne pas dépasser plus de 35 jours par an. La CVF est quant à elle considérée anormale en dessous de 80% de la valeur attendue. Concernant le NO2, la CVF était, elle, abaissée de 2,58 % pour chaque augmentation de 10 µg/m³, sachant que l’objectif de qualité de l’air est de 40 µg/m3 en moyenne annuelle. 

Un effet des macrolides qui reste à valider

Autre enseignement de cette étude : les patients qui étaient traités par macrolides, une famille d’antibiotiques, semblaient protégés des effets néfastes de la pollution de l’air sur le déclin de la fonction respiratoire. En effet, ceux qui ne recevaient pas de macrolides présentaient une association plus forte entre exposition aux PM10 et baisse de la CFV. Ils présentaient aussi une valeur du VEMS abaissée avec une hausse de l’exposition aux PM10. Valérie Siroux, qui a coordonné les travaux met en garde : « Notre étude était observationnelle, et non interventionnelle. Cela ne permet pas de conclure que les macrolides sont protecteurs vis-à-vis de l’effet délétère des polluants atmosphériques. Dans la pratique, on voit que les sujets traités par macrolides n’ont pas le même profil clinique et le même pronostic de santé que les autres. Aussi, pour valider cette hypothèse, d’autres études seraient nécessaires ».

Depuis ces travaux, l’équipe a démontré, à travers une autre analyse de la cohorte COLT, que l’augmentation du taux de polluants atmosphériques était aussi associée au risque de décès chez les patients qui ne recevaient pas de macrolides. Cette étude a donc des implications directes en matière de santé publique. Valérie Siroux précise : « Les mesures visant à limiter la pollution atmosphérique liée au trafic autoroutier et aux différents modes de chauffage sont nécessaires pour préserver la santé des populations et notamment des populations particulièrement vulnérables : enfants, sujets âgés, personnes asthmatiques… et, comme l’indique cette étude, les sujets ayant bénéficié d’une transplantation pulmonaire ».

Note

* unité 1209 Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes, « Epidémiologie environnement appliquée à la reproduction et la santé respiratoire », Institut Albert Bonniot, La Tronche. 

Source

Benmerad M et coll. Chronic effects of air pollution on lung function after lung transplantation in the Systems prediction of Chronic Lung Allograft Dysfunction (SysCLAD) study. Eur Respir J 2017 ; 49 : 1600206.