Parkinson : le rôle protecteur du tabac reposerait sur l’interaction avec certains gènes

La diminution du risque de maladie de Parkinson observé chez les fumeurs s’expliquerait par une interaction de plusieurs gènes avec le tabac. Restent à déterminer les mécanismes sous-jacents et les composés de la fumée de cigarette impliqués.

Selon les données épidémiologiques, les fumeurs ont un risque d’être atteints par la maladie de Parkinson inférieur de 40% à celui observé chez les non-fumeurs. Le tabac, bon pour la santé ? Ce constat est suffisamment provocant pour susciter l’intérêt des chercheurs. S’agit-il d’un véritable effet protecteur du tabac lié à un mécanisme biologique ? Ou s’agirait-il d’un biais d’interprétation ? Pour essayer de répondre à cette question, les interactions entre tabac et génétique viennent d’être étudiées par une équipe constituée autour d’Alexis Elbaz*. Selon leurs travaux, deux gènes – RXRA et SLC17A6 – pourraient moduler la relation entre le tabac et la maladie de Parkinson. Parce que les deux protéines codées par ces gènes jouent un rôle dans la neurotransmission, ces travaux soutiennent l’idée d’une protection conférée par le tabac en relation avec un mécanisme biologique sous-jacent. « L’idée n’étant évidemment pas d’inciter les gens à fumer, insiste le chercheur, mais plutôt d’identifier les molécules qui, dans la fumée du tabac, seraient responsables de cette interaction, ainsi que les mécanismes biologiques impliqués ». Ce qui permettrait éventuellement, à plus long terme, d’envisager des approches de prévention ou même de traitement de la maladie, si ces résultats étaient confirmés. 

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative caractérisée par la destruction progressive des neurones dopaminergiques situés dans la substance noire, une zone du cerveau impliquée dans la motricité. Son apparition reposerait sur des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Plusieurs gènes ont été identifiés comme pouvant favoriser l’apparition de la maladie mais, pour la plupart, ils ont une faible pénétrance : en d’autres termes, seule une minorité de porteurs de l’un ou l’autre de ces gènes développe la maladie de Parkinson. En réalité, ces particularités génétiques constitueraient une première marche vers la maladie, mais seule leur interaction avec un ou des facteurs environnementaux – comme l’exposition aux pesticides- les conduiraient à la développer. À l’inverse, les données épidémiologiques qui décrivent moins de malades Parkinson parmi les fumeurs ou ex-fumeurs suggèrent que certaines interactions peuvent être protectrices. 

Deux gènes parmi d’autres...

Pour interroger la potentielle interaction du tabac avec les gènes, l’équipe de chercheurs a adopté une approche dénuée d’apriori : elle a choisi de passer en revue 298 gènes impliqués dans le susceptibilité ‑absorption, transport, dégradation, élimination- aux xénobiotiques (substances étrangères à l’organisme) afin d’observer si certains d’entre eux étaient distribués de manière différente chez les malades par rapport à des sujets sains, et cela selon leurs habitudes tabagiques ‑actuels ou anciens fumeurs versus non-fumeurs. 

À partir d’une étude française portant sur 513 malades, comparés à 1147 témoins, les analyses génétiques ont mis en exergue 9 polymorphismes nucléotidiques (SNP) impliqués dans une interaction avec le tabac. Deux d’entre eux ont ensuite été confirmés à partir des analyses conduites à partir d’une cohorte américaine regroupant 1 200 sujets malades ou témoins. De façon intéressante, explique Alexis Elbaz, « les gènes porteurs de ces SNP – RXRA et SLC17A6 – codent respectivement pour un récepteur à l’acide rétinoïque impliqué dans le système dopaminergique, et pour un transporteur du glutamate dont la transmission est perturbée dans la maladie ».

« Aujourd’hui, nous devons conduire la même analyse au sein d’une cohorte de patients plus large afin de valider entièrement ces résultats. Ce travail est d’ores et déjà planifié et rassemblera ces prochains mois les données issues de 25 000 patients européens, projette-t-il. Par ailleurs, nous avons depuis mis en évidence une interaction d’autres gènes avec le tabac ». En effet, en suivant une approche différente, l’équipe a identifié une autre interaction entre le tabac et le gène HLA-DRBA1 dans la maladie de Parkinson. « Ces résultats permettent d’identifier des mécanismes biologiques à étudier : en effet, si ces gènes influencent la relation entre le tabagisme et l’apparition de la maladie, elles constituent autant de pistes à explorer pour décrypter entièrement les mécanismes physiopathologiques initiaux ».

Note :

*unité 1018 Inserm/Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines/Université Paris-Sud, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, équipe Epidémiologie du vieillissement et des maladies liées à l’âge, Villejuif

Source

  • Lee PC et coll. Smoking and Parkinson disease Evidence for gene-by-smoking interactions. Neurology 2018, 90:e1-e10. doi:10.1212/WNL.0000000000004953
  • Chuang YH et coll. Pooled Analysis of the HLA-DRB1 by Smoking Interaction in Parkinson Disease. Ann Neurol. 2017 Nov, 82(5):655–664. doi : 10.1002/ana.25065