Parkinson : une augmentation du risque associé aux activités agricoles, même en population générale

Les personnes qui ne sont pas exposées aux pesticides dans leur cadre professionnel pourraient, comme les agriculteurs, encourir un risque accru de maladie de Parkinson lorsque l’activité agricole est dense autour de leur lieu d’habitation.

Les zones viticoles sont les plus à risque

De nombreuses études ont décrit la relation entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de cette maladie neurodégénérative chez les agriculteurs et les travailleurs agricoles. En collaboration avec Santé publique France, une équipe de l’Inserm s’est intéressée à l’impact d’une exposition non professionnelle à ces composés. Ils ont étudié le nombre de nouveaux cas diagnostiqués en fonction de l’importance de l’activité agricole dans chaque canton français, utilisée comme indicateur de l’utilisation de pesticides. Leur conclusion : l’incidence de la maladie de Parkinson serait d’autant plus élevée que les activités agricoles sont développées localement. Le risque serait maximal dans les territoires où la viticulture est fortement présente. 

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative dans laquelle une population spécifique de neurones est progressivement détruite, conduisant à un tableau de symptômes spécifiques (tremblement, lenteur et troubles de la coordination des mouvements…). Des travaux conduits sur des cellules et des modèles animaux ont en partie permis de décrypter les mécanismes par le biais desquels les pesticides favorisent la neurodégénérescence. Les données toxicologiques et épidémiologiques sont d’ailleurs suffisamment solides pour que la maladie de Parkinson soit inscrite au tableau des maladies professionnelles chez les agriculteurs en France. La place importante des pesticides dans l’agriculture traditionnelle autorise légitimement à poser la question de son impact sur la population générale. 

Les zones viticoles sont les plus à risque

« C’est un travail délicat à conduire car la maladie est relativement rare et parce que nous ne disposons pas de moyens simples pour recenser les cas diagnostiqués » explique Alexis Elbaz*, qui a dirigé l’étude. Les auteurs se sont donc fondés sur le nombre de personnes nouvellement traitées par des médicaments antiparkinsoniens dans chaque canton français, entre 2010 et 2012 (données issues des bases de l’assurance maladie). Ils ont ensuite utilisé le recensement agricole national conduit par le ministère de l’Agriculture, en 1988 puis en 2000, pour caractériser l’activité agricole sur chacun de ces territoires. Ainsi, les auteurs ont pu décrire l’association existant entre le nombre de cas de maladie de Parkinson et l’importance et la nature de l’activité agricole pour chaque canton. Différentes variables pouvant influencer la survenue de la maladie ou la fréquence du diagnostic (tabagisme, ensoleillement, niveau socio-économique…) ont été prises en compte. 

Résultat : le nombre de nouveaux cas annuel dans chaque canton est associé à la proportion de surface des cantons allouée à l’agriculture : « Plus cette dernière est élevée, plus le nombre local de cas est important. Et avec certaines cultures, comme la viticulture, l’association semble plus prononcée » précise Alexis Elbaz. La corrélation la plus forte est en effet celle liée à la présence la plus élevée de vignobles. Elle augmentait l’incidence locale de la maladie d’environ 10%. Cette association est retrouvée dans différentes régions viticoles. Les données vont dans le même sens lorsque les agriculteurs et les travailleurs agricoles sont exclus de l’analyse. 

« La relation entre l’activité viticole et la maladie de Parkinson est plus marquée chez les plus de 75 ans, en comparaison les sujets plus jeunes, quelle que soit la population analysée, explique le chercheur. Peut-être les personnes les plus âgées ont-elles été exposées plus longtemps que les autres, notamment à des pesticides toxiques qui sont aujourd’hui interdits, comme les organochlorés. Par ailleurs, il est possible que le poids des facteurs environnementaux soit plus important après 75 ans, tandis que la susceptibilité génétique pourrait jouer un rôle plus important pour les cas survenant chez les plus jeunes ».

Un sur-risque possible mais modéré

Une activité agricole importante dans les régions rurales serait donc associée à une augmentation de l’incidence de la maladie de Parkinson, même chez les non-agriculteurs. « Il faut rester prudent sur l’interprétation de ces données, met cependant en garde le chercheur. Un sur-risque modéré pourrait exister, mais il faudrait pouvoir le confirmer par des études conduites à partir de données individuelles et non pas, comme ici, de données groupées par canton ». Des études pourraient aussi être conduites pour évaluer les pesticides les plus à risque : « Les modes d’épandage, les produits utilisés et leur quantité dépendent des types d’activité agricole. On dispose souvent de données sur la toxicité aigüe des produits chimiques, mais celles concernant leur neurotoxicité font souvent défaut ». Un travail en ce sens permettrait d’écarter les composés les plus à risque pour la population d’agriculteurs, comme la population générale... 

Note

* CESP (unité 1018 Inserm/Université Paris-Sud/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Hôpital Paul brousse, Villejuif ; Santé publique France, Direction Santé travail, Saint-Maurice 

Source

S Kab et coll. Agricultural activities and the incidence of Parkinson’s disease in the general French population. Eur J Epidemiol, édition en ligne du 9 février 2017. DOI 10.1007/s10654-017‑0229‑z