Nouvelle protéine impliquée dans la réponse douloureuse au froid

Des chercheurs viennent d’identifier une protéine impliquée dans la réponse douloureuse au froid. Inactivée, elle rend les animaux insensibles à des températures basses. Il apparaît en outre qu’elle est impliquée dans la survenue de l’hypersensibilité au froid induite par l’oxaliplatine, un médicament de chimiothérapie utilisé en cas de cancer colorectal.

Des chercheurs de l’Inserm et du CNRS viennent de montrer que le canal sodium Nav1.9, une protéine située dans les terminaisons des fibres nerveuses périphériques qui véhiculent le message douloureux, est un élément clé de la réponse douloureuse au froid.

Cette découverte est presque fortuite : de précédents travaux conduits par les équipes d’Alain Eschalier* à Clermont-Ferrand et de Patrick Delmas** à Marseille, avait permis d’impliquer cette protéine dans la douleur inflammatoire et les chercheurs ont continué à explorer son rôle. Pour cela, ils ont soumis des souris déficientes pour le canal Nav1.9 à différents stimuli plus ou moins désagréables. C’est alors qu’ils ont découverts que les animaux étaient devenus quasiment insensibles au froid, ne présentant pas (ou peu) de signes de douleur lorsqu’ils étaient exposés à une température de 0°C.

Amplificateur de signal

Pour mieux définir la fonction de ce canal, différentes expériences ont été poursuivies chez des souris et des rats. Ce travail a permis de montrer qu’il s’agit d’un amplificateur de la réponse au froid. « Le canal Nav1.9 n’est pas un senseur du froid comme peuvent l’être les protéines TRPM8 et TRPA1. Ces dernières sont en partie à l’origine du message nerveux créé en réponse au froid. Le canal Nav1.9 agit dans un second temps et permet l’amplification du signal nerveux. Ce phénomène participe à déclencher la réaction douloureuse », clarifie Jérôme Busserolles*, co-auteur des travaux. 

Cible thérapeutique

Forts de ces résultats, les chercheurs ont décidé d’étudier l’implication de Nav1.9 dans l’hypersensibilité au froid générée par l’oxaliplatine, une chimiothérapie indiquée dans le cancer colorectal. Cet effet indésirable handicapant peut conduire à une diminution des doses de médicament, voir à l’arrêt du traitement, au risque de réduire les chances de guérison des patients. Les chercheurs ont exposé au froid des souris déficientes en canal Nav1.9 et ayant reçu de l’oxaliplatine. Ils ont alors observé une excellente résistance aux basses températures. « Nous ne connaissons pas encore les mécanismes en jeu, mais il est évident que le canal Nav1.9 joue un rôle important dans l’hypersensibilité au froid sous oxaliplatine. A ce titre, il constitue donc une cible thérapeutique pour limiter cet effet », estime Jérôme Busserolles. 

L’équipe du Dr Delmas développe actuellement des candidats médicaments ciblant le canal Nav1.9 et teste l’effet de ces molécules chez la souris, sur l’hypersensibilité au froid présente dans certaines neuropathies. Si cette piste tient ces promesses, des industriels devraient prendre le relai afin de lancer des essais cliniques chez l’homme.

Notes :

* Unité 1107 Inserm/Université d’Auvergne, NEUR-DOL, Clermont-Ferrand 

** Unité 7286 CNRS/Aix-Marseille-Universite, Centre de recherche en neurobiologie et neurophysiologie de Marseille 

Source :

S Lolignier et coll. The Nav1.9 Channel Is a Key Determinant of Cold Pain Sensation and Cold Allodynia. Cell Rep, édition en ligne du 6 mai 2015