Un nouveau traitement pour ralentir la progression des maladies rénales ?

En identifiant la lipocalin 2 (LCN2) comme l’un des médiateurs cellulaires clés dans le déclin de la fonction rénale, des chercheurs Inserm/Université Paris Descartes apportent une perspective thérapeutique prometteuse. Dans une étude récente, ils montrent en effet que le PBA, un médicament déjà utilisé dans une maladie génétique rare, semble efficace pour inhiber la production de LCN2 et ralentir la progression de la maladie rénale chronique.

La Lipocalin 2 (LCN2) est une protéine impliquée dans le transport du fer, sécrétée par les cellules tubulaires rénales. Fabiola Terzi et son équipe*s’intéressent à elle depuis plusieurs années, car elle semble jouer un rôle clé dans la progression des maladies rénales chroniques (MRC). En 2010, l’équipe avait en effet montré que l’activation de LCN2 dans les cellules rénales favorise le développement de lésions rénales ; chez la souris, l’inactivation du gène Lcn2 va au contraire prévenir l’évolution pathologique de la MRC. 

Dans une nouvelle étude, parue dans Nature Communications, les chercheurs ont conforté le rôle de LCN2 en montrant qu’elle est à la croisée de plusieurs voies de signalisation, aboutissant toutes au développement des lésions rénales. Son rôle serait donc central dans la progression des MRC. Ils ont aussi apporté une première preuve d’efficacité d’un inhibiteur de stress cellulaire sur l’évolution des lésions, qui modulerait la production de LCN2. 

Les MRC touchent 2 à 3 millions de personnes en France. Elles correspondent à la perte progressive de la capacité du rein à filtrer le sang et à en excréter les déchets dans les urines. Dans ces maladies, les glomérules – véritables unités fonctionnelles du rein – se détériorent. Les protéines peuvent alors les traverser et se retrouver de façon anormale dans les urines. En aval, les cellules du tubule rénal sont alors exposées à un stress considérable dû à la présence anormale de ces protéines dans l’urine (protéinurie). Ce stress se traduit au niveau du réticulum endoplasmique (RE) des cellules par un processus de mort cellulaire, médié par une cascade moléculaire appelée UPR (Unfolded Protein Response).

Un premier essai clinique pourrait rapidement voir le jour

« Dans cette nouvelle étude, nous avons décrit qu’un des acteurs de l’UPR conduit à l’apoptose en stimulant la production de LCN2. Cela veut dire que LCN2 est activée par plusieurs mécanismes au cours de la MRC : outre celui que nous avions montré en 2010, déclenché par un facteur de croissance (EGF), LCN2 est aussi stimulé par l’UPR » explique Fabiola Terzi. 

Dans un second temps, les chercheurs ont montré que l’inhibition de LCN2 (par inactivation de son gène) permet de prévenir le phénomène d’apoptose chez les souris. Ces tests ont été dupliqués et confirmés in vitro sur des cellules tubulaires, pour s’assurer que des mécanismes compensatoires n’étaient pas déclenchés in vivo, en cas d’inhibition de Lcn2. De plus, l’inhibition de l’UPR – et par conséquent celle de l’expression de LCN2 – par un traitement pharmacologique, le PBA (Acide Phényl-butyque), permet également de ralentir la progression de la MRC chez l’animal avec une protéinurie. 

L’équipe a en outre apporté une première confirmation clinique de cette hypothèse : elle a évalué la fonction rénale d’un patient protéinurique traité par PBA (Acide Phényl-butyque), ce médicament étant déjà commercialisé dans les troubles génétiques du métabolisme de l’urée et connu pour diminuer le stress chronique du RE. « Ce patient nous a donné son accord pour mesurer la concentration de LCN2 dans ses urines, cette concentration étant proportionnelle à sa concentration cellulaire. Ces analyses suggèrent que le PBA peut inhiber la protéine LCN2 chez l’homme également » précise la chercheuse. Elle espère maintenant la mise en place rapide d’un essai clinique évaluant l’efficacité du PBA dans l’insuffisance rénale. 

Note 

* Mécanismes et stratégies thérapeutiques des maladies rénales chroniques, unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, hôpital Necker – Enfants maldaes, Paris 

Source

K. El Karoui et coll. Endoplasmic reticulum stress drives proteinuria-induced kidney lesions via Lipocalin 2. Nature Communication du 20 janvier 2016