Un nouveau mécanisme impliqué dans la maturation des cellules nerveuses

L’équipe de recherche dirigée par Stéphane Martin* vient d’identifier le rôle de la molécule SUMO dans les processus de maturation des neurones. Associée à d’autres éléments cellulaires, cette molécule, intervient dans la régulation de la quantité et la qualité des connections neuronales. L’altération de ce processus pourrait être à l’origine de maladies du neurodéveloppement, comme le syndrome de l’X fragile, conduisant à des déficiences intellectuelles et à l’autisme.

Certains mécanismes cellulaires peuvent changer la fonction des protéines. C’est le cas de la sumoylation, sujet de recherche sur lequel Stéphane Martin et son équipe travaillent depuis plusieurs années. Ce mécanisme désigne la fixation de la molécule SUMO sur différentes protéines à l’intérieur des cellules. 

Depuis quatre ans les chercheurs s’intéressent aux interactions entre les molécules SUMO et la protéine FMRP (Fragile X Mental Retardation Protein), impliquée dans le syndrome de l’X fragile. Ce syndrome est la forme la plus fréquente de déficience intellectuelle héréditaire, et la première cause monogénique connue d’autisme. Il résulte de la mutation du gène FMR1, conduisant à l’absence de production ou d’activité de la protéine FMRP. Cette protéine est essentielle à la connectivité des neurones : elle a pour rôle de lier et transporter des molécules d’ARN au niveau des jonctions communicantes des neurones, les synapses. Les ARNs permettent ensuite la synthèse de protéines qui contrôlent à la fois la quantité et la qualité des connections entre les neurones. En l’absence d’une protéine FMRP fonctionnelle, les connections neuronales sont trop nombreuses et immatures. Ce qui provoque les déficits intellectuels notamment observés chez les enfants atteints du syndrome de l’X fragile. 

« Le cerveau […] doit éliminer un certain nombre de synapses  »

« Pour que le cerveau soit formé de manière optimale et fonctionnelle, il doit éliminer un certain nombre de synapses depuis la naissance jusqu’à la fin de l’adolescence. Dans la maladie de l’X fragile, où la protéine FMRP est absente ou non fonctionnelle, on observe plus de synapses qu’à l’accoutumée, ce qui entraine des réseaux de neurones mal façonnés, et ainsi des déficiences intellectuelles et comportementales chez les personnes concernées » précise Stéphane Martin. 

Son équipe et leurs collaborateurs ont démontré que FMRP est une cible de la sumoylation. Pour que le complexe FMRP-ARN se dissocie, l’intervention de SUMO est nécessaire : c’est la liaison entre SUMO et FMRP qui permet la libération des ARN du complexe, directement sur les sites où doit se dérouler la synthèse protéique. 

« Nous avons montré que si l’on empêche la sumoylation de FMRP, la protéine ne peut exercer sa fonction régulatrice sur la libération des ARN qui lui sont liés. Or ces ARN sont essentiels pour coordonner la maturation des neurones » explique Stéphane Martin. 

Régulation de la maturation neuronale par la sumoylation de la protéine FMRP. SUMO est un modulateur clé des interactions des molécules de la cellule. L’activation des neurones (1) entrainent la sumoylation de la protéine FMRP dans les granules de transport des ARNs (2). Cette sumoylation permet de dissocier FMRP des granules de transport (3) et de libérer les ARNs à la synapse pour contrôler le nombre et la maturation des neurones (4).

Dans certains cas du syndrome de l’X fragile, on observe des mutations dans le gène codant pour la protéine FMRP. Dans ces situations la protéine est bien produite, mais elle n’est pas fonctionnelle. Or ces mutations concernent des sites proches des régions de sumoylation de la protéine. Il est donc intéressant d’imaginer que le processus de fixation de SUMO à ces formes mutées de la protéine FMRP soit dérégulé, ce qui pourrait contribuer à l’apparition de certaines formes du syndrome. 

D’autres maladies neurodégénératives probablement concernées par la sumoylation

Dans les prochaines années, l’équipe va chercher à creuser cette hypothèse. Plus globalement, leur but est d’élucider le rôle de la sumoylation dans le développement cérébral et la maturation des cellules nerveuses. Notamment parce que « d’autres maladies neurodégénératives pourraient être concernées par des défauts de sumoylation, comme la maladie de Huntington, où l’on observe des agrégats toxiques qui sont souvent riches en protéine SUMO » ajoute Stéphane Martin. 

Il est en revanche plus difficile de savoir si la sumoylation pourrait constituer une nouvelle cible thérapeutique. En effet, il existe déjà des molécules qui agissent sur ce processus, utilisées dans des cas de cancers par exemple, mais ces traitements restent non-spécifiques d’une protéine en particulier. L’équipe compte se pencher sur cette question dans de futurs travaux. 

Note :

*chercheur Inserm, responsable de l’équipe Implication physiologique et physiopathologique de la sumoylation neuronale à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire, UMR7275 CNRS-Université Côte d’Azur, Valbonne 

Source

A. Khayachi et coll. Sumoylation regulates FMRP-mediated dendritic 1 spine elimination and maturation. Nature Communications, édition du 22 février 2018