Un niveau d’études plus élevé améliore la cognition après 65 ans

Les personnes âgées qui ont fait le plus d’études au cours de leur jeunesse sont celles qui ont le meilleur capital cognitif au moment d’affronter le déclin lié à l’âge. La progression de la durée moyenne des études observée sur les dernières générations pourrait donc expliquer, au moins en partie, la baisse de l’incidence des démences constatée au cours des dernières décennies par des études de cohorte. C’est ce que suggèrent les derniers résultats d’une équipe Inserm qui a comparé les données relatives à deux « générations » de personnes âgées issues de la cohorte PAQUID.

L’éducation permettra-t-elle de préserver les prochaines générations des démences liées à l’âge, au moins en partie ? Alors que le niveau d’études n’a cessé d’augmenter en population générale au cours des dernières décennies, une équipe Inserm* constate que cette progression est associée à de meilleurs performances cognitives lorsqu’on compare deux groupes d’individus âgés ayant 10 ans d’écart.

Plusieurs études de cohortes concordantes ont indiqué une baisse de l’incidence des démences chez les personnes âgées au cours des dernières décennies. Malgré cela, l’augmentation de l’espérance de vie et l’accroissement de la population mondiale vont conduire à une augmentation du nombre de personnes atteintes de démence liées à l’âge dans le futur. Les projections tablent sur 131,5 millions de personnes concernées d’ici 2050, dont les trois quarts seront atteints de la maladie d’Alzheimer. Dans ce contexte, pour être en mesure de renforcer au mieux la prévention contre les démences dans les prochaines années, les chercheurs tentent de découvrir les facteurs associés à la baisse d’incidence constatée. 

Plusieurs facteurs sont suspectés de jouer un rôle dans cette évolution : la meilleure prise en charge des maladies à complications vasculaires comme le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, un mode de vie plus sain, mais aussi une plus grande stimulation intellectuelle et en particulier un niveau d’éducation de plus en plus élevé. 

Pour évaluer l’impact du niveau d’éducation sur la fonction cognitive et le déclin de celle-ci, les chercheurs ont analysé deux groupes de personnes nées à 10 ans d’écart, appartenant à la cohorte PAQUID. L’objectif de cette cohorte est d’étudier le vieillissement et ses complications. Au moment de leur inclusion dans l’étude, les participants avaient au moins 65 ans et vivaient à leur domicile, en Gironde et en Dordogne. Ils ont été suivis pendant 25 ans. Leurs capacités cognitives été évaluées tous les deux à trois ans grâce à quatre tests, le premier portant sur le fonctionnement cognitif global (MMSE), le deuxième sur la fluence verbale (Set-test d’Isaac), le troisième sur la mémoire de travail visuelle (BVRT) et le dernier sur les fonctions exécutives et la vitesse de traitement de l’information (DSST). Leur autonomie a par ailleurs été estimée avec un test supplémentaire (4‑IADL), renseignant sur la capacité à utiliser le téléphone, les transports, à prendre seul leurs médicaments et gérer leur argent. Les questionnaires de suivi renseignaient également sur leur profession et leur utilisation de médicaments contre le diabète, l’hypertension et l’hypercholestérolémie.

A partir de cette cohorte, les auteurs ont créé deux groupes de personnes âgées de 78 à 88 ans, avec des participants nés entre 1903 et 1912 dans le premier, et entre 1913 and 1922 dans le second. Dans ces deux groupes, les auteurs ont analysé les résultats de suivi sur 12 ans. 

De longues études augmentent la réserve cognitive

Ils ont constaté que la seconde « génération » présentait un niveau d’éducation moyen plus élevé, occupait des postes plus stimulants intellectuellement et utilisait davantage d’antihypertenseurs et d’hypocholestérolémiant que la première. Elle présentait en outre des scores supérieurs à ceux de la première génération pour les quatre tests cognitifs au moment de l’inclusion. Or, l’analyse statistique montre que cette progression est en grande partie imputable au niveau d’éducation plus élevé (hormis pour la mémoire de travail). 

La vitesse de déclin cognitif global était en revanche équivalente entre les deux groupes. Seules la fluence verbale et la mémoire de travail ont décliné moins rapidement au sein de la seconde génération, mais sans que cela ne puisse s’expliquer par le niveau d’éducation. La perte d’autonomie s’est également révélée davantage préservée dans le second groupe, alors que les scores d’autonomie étaient équivalents à l’inclusion.

« Notre travail confirme l’impact bénéfique de l’éducation sur la cognition. Les personnes qui ont davantage étudié ont une réserve cognitive plus importante, ce qui leur permet de mieux compenser d’éventuelles lésions cérébrales. Par conséquent, même si la vitesse de déclin est équivalente entre deux générations, le fait de partir d’un niveau cognitif plus élevé permet, d’une certaine façon, de préserver plus longtemps ses capacités cognitives et son autonomie », conclut Leslie Grasset, premier auteur de ces travaux. 

Note

*unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux, Bordeaux Population Health, équipe Expositions vie entière, santé, vieillissement, Bordeaux

Source

L Grasset et coll. Temporal Trends in the Level and Decline of Cognition and Disability in an Elderly Population : the PAQUID Study. Am J Epidemiol, édition en ligne du 11 juin 2018