Nanopalpation des tumeurs : une piste pour améliorer le diagnostic ?

Une équipe de physiciens marseillais a mis au point une nouvelle nanotechnologie qui pourrait être exploitée en médecine pour faire la distinction entre des cellules cancéreuses, bénignes et malignes. Cette méthode se fonde sur l’utilisation de la microscopie à force atomique à haute fréquence.

À l’aide d’un microscope à force atomique à haute vitesse, un instrument générant des contraintes mécaniques pour mesurer la souplesse de la matière, les chercheurs peuvent obtenir des images de cellules et de molécules. Felix Rico* et ses collègues ont développé un nouvel appareil capable de générer des contraintes mécaniques à plus haute vitesse encore, afin d’obtenir davantage d’information sur la réponse mécanique de protéines individuelles. Cet appareil leur a permis de découvrir que les cellules bénignes et malignes ont des propriétés mécaniques différentes. Un résultat important qui ouvre des perspectives pour améliorer le diagnostic ou/et le pronostique de cancers. 

« Palper » des molécules individuelles

La palpation est l’une des plus anciennes méthodes de diagnostic, permettant au médecin de détecter d’éventuelles dysfonctions par la taille ou la souplesse anormale des organes palpés. La nanopalpation permet désormais d’étudier la structure, la taille, et la souplesse des cellules ou des molécules individuelles. Elle passe par l’utilisation d’un microscope à force atomique (AFM), doté d’une sonde flexible qui génère des contraintes mécaniques. L’appareil induit une déformation du matériau biologique (molécule ou cellule), donnant des informations sur son élasticité et sa réponse mécanique. 

« La grande majorité des AFM actuellement utilisés en France et dans le monde génère des contraintes de basse fréquence. Or la plupart des matériaux vivants – cellules et molécules – sont viscoélastiques, explique Felix Rico, directeur du bio-AFM lab à Marseille. Cette propriété signifie que leur réponse dépend de la vitesse ou de la fréquence à laquelle on applique la contrainte ». Dès lors que se passe-t-il à haute fréquence ? 

Nanopalpation des tumeurs : une piste pour améliorer le diagnostic ? - Felix Rico
A. Rigato et coll. High-frequency microrheology reveals cytoskeleton dynamics in living cells, Nature Physic

Pour répondre à cette question essentielle, le physicien a développé une méthode de nanopalpation à haute fréquence de sollicitation, mille fois plus rapide que celle induite par l’AFM conventionnel. « Un progrès majeur en imagerie, aujourd’hui utilisée pour visualiser les déformations de conformation de protéines ou les interactions entre protéines et ligand », souligne le chercheur. 

Au niveau de la cellule, cette technologique représente également une avancée permettant de caractériser l’état mécanique des cellules vivantes et de leurs composants les plus petits, en particulier ceux qui forment le squelette des cellules : le cytosquelette. Pourrait-on l’utiliser pour différencier les cellules cancéreuses malignes et bénignes ? 

Cytosquelette sous tension

« Les mesures d’AFM à basse fréquence montrent que les cellules malignes sont plus souples que les cellules bénignes, mais l’information n’est pas suffisamment univoque pour distinguer les deux types de cellules avec certitude et poser un diagnostic sûr « , rapporte Felix Rico. « Nous avons testé la nanopalpation à hautes fréquences sur les cellules épithéliales de cancer mammaire. Ce qui nous a permis d’observer que les cellules cancéreuses malignes sont certes plus souples, mais présentent un cytosquelette en tension, tandis que les cellules cancéreuses bénignes sont moins souples avec un cytosquelette détendu « .

Une différence subtile, qui pourrait être exploitée comme marqueur diagnostique ou pronostique des cancers. « Pour savoir s’il s’agit d’une caractéristique commune à toutes les cellules cancéreuses, nous allons tester la méthode sur d’autres lignées, indique le chercheur. Par ailleurs, nous nous sommes mis en contact avec des experts en cancérologie, pour savoir quelle pourrait être la meilleure application clinique de cette technique. L’idée sera ensuite de développer une technique alternative, plus facile à utiliser en clinique par des professionnels qui ne sont pas forcément experts en AFM « . 

Note

*Unité 1006 Inserm/Aix-Marseille Université, Bio-AFM-Lab, Marseille 

Source

A. Rigato et coll. High-frequency microrheology reveals cytoskeleton dynamics in living cells, Nature Physic. Edition en ligne du 1er mai 2017