Mode d’emploi pour réduire la mortalité infantile

Au moins neuf leviers sembleraient activables pour tenter de réduire la mortalité juvéno-infantile à l’échelle d’un pays. Une nouvelle étude de l’Inserm estime leur impact possible dans le temps.

Un nouveau protocole d’étude

Ces données ne sont pas complètement nouvelles : il est communément admis qu’une quinzaine de paramètres, dont ceux confirmés par cette étude, sont associés à la mortalité infantile. Mais cette fois, l’équipe de scientifique a largement précisé la nature de ces liens. 

« Généralement, les précédentes études réalisées sur ce type de données séparaient les pays développés des pays en développement. De plus, elles étaient transversales, ce qui signifie qu’elles étudiaient l’association entre plusieurs facteurs et la mortalité infantile observés au même instant T. Cette fois, nous avons recueilli des données économiques et sociales annuelles entre 2000 et 2009 pour 193 pays membres de l’ONU, quelque soit leur niveau de développement. Les chiffres utilisés sont accessibles auprès de la banque mondiale ou encore de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), explique Matthieu Hanf, co-auteur des travaux. Par ailleurs, ces études ne se focalisaient souvent que sur l’effet immédiat de ces facteurs alors que des effets différés dans le temps sont plus plausibles. Enfin, les modèles statistiques utilisés postulaient que la relation entre le taux de mortalité et les déterminants étudiés était proportionnelle, ce qui n’est pas toujours vrai. Nous avons essayé de prendre en compte ces différents cas de figure dans notre analyse. Ce nouveau protocole nous a donc permis d’observer plus finement l’association de certains de ces paramètres avec la mortalité juvéno-infantile », résume-t-il.

Au moins neuf facteurs associés à la mortalité infantile

Les résultats montrent que neuf paramètres sont associés au niveau de mortalité juvéno-infantile. Le plus puissant d’entre eux étant le niveau économique du pays, évalué ici par la valeur du produit intérieur brut par habitant : plus il est faible, plus la mortalité des moins de cinq ans est élevée. A l’inverse, un plateau survient à partir de 30 000 euros par habitant, comme c’est le cas dans les pays développés ou les pays émergents les plus dynamiques tel que le Brésil. Au-delà de ce seuil, la mortalité ne semble plus diminuer. 

L’accès à l’eau potable et aux sanitaires est également un facteur déterminant, mais les auteurs ont observé un effet décalé dans le temps. « La mortalité ne commence à chuter qu’environ quatre ans après l’accès à ces installations. Cela suggère, comme dans d’autres études, que c’est l’exposition répétée aux agents infectieux qui entraine un risque de décès », précise Matthieu Hanf. 

Autres facteurs majeurs, les niveaux de corruption et de violence (guerre, insécurité, etc …). « L’effet est indirect et parfois insoupçonné, mais ces facteurs altèrent l’accès aux soins et le développement d’infrastructures de qualité, leur impact semble donc majeur », explique le chercheur. 

Enfin, le taux de fertilité des adolescentes, c’est à dire le nombre de naissances chez les moins de 18 ans, est corrélé à la mortalité infantile mais uniquement dans les pays développés. « Dans les pays pauvres, ce facteur est noyé parmi d’autres, plus prédominants comme le niveau économique. Mais il semble avoir une influence propre dans les pays développés. C’est une information intéressante pour aider à la planification de campagnes de prévention et d’information efficaces dans les pays concernés », selon le chercheur. 

Les autres facteurs évoqués par l’étude sont la prévalence du VIH, les dépenses de santé par habitant, le niveau d’urbanisation et le niveau d’éducation des femmes en âge de procréer.

Planifier et évaluer une nouvelle mesure

Le plus souvent, les travaux scientifiques décrivent les causes directes de mortalité juvéno-infantile. On sait ainsi que les pneumonies, les diarrhées et la prématurité sont les trois principales causes de décès des moins de cinq ans. Cette nouvelle étude apporte des pistes supplémentaires pour aider à planifier des actions de santé publique. Les résultats aident à identifier les leviers à activer pour réduire la mortalité à l’échelle d’un pays et permettent d’avoir une idée du délai nécessaire pour en voir les effets. « Ces données sont particulièrement intéressantes dans le cadre des objectifs de développement du millénaire qui visent à réduire de deux tiers la moralité juvéno-infantile dans le monde entre 1990 et 2015 », conclut le chercheur. 

Note
*Unité 1018 Inserm / Université Paris sud, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Villejuif 

Source
M. Hanf et coll. Global determinants of mortality in under 5s : 10 year worldwide longitudinal study BMJ, édition en ligne du 8 novembre 2013