Les méduses à la rescousse de l’environnement

Le mucus de méduses constitue un filtre naturel, capable de débarrasser les eaux des nanoparticules : une belle promesse environnementale à l’heure où rien n’est fait pour lutter contre cette pollution, malgré l’explosion de l’utilisation de ces particules miniatures dans les produits de la vie courante.

Voilà de quoi redorer le blason des méduses qui pullulent sur certaines côtes au risque de gâcher les vacances des baigneurs : des travaux conduits par une équipe Inserm* montrent qu’elles contribueraient à protéger l’environnement de rejets technologiques humains, en particulier des nanoparticules ! En effet, ces animaux gélatineux peu sympathiques « filtrent » les nanoparticules qui se dispersent et s’accumulent dans l’eau, et qu’aucun système de filtration actuel ne permet de retenir. 

« De plus en plus de produits contiennent des nanoparticules : composants électroniques et informatiquespeinturescrèmes solaires et cosmétiquesagents de contraste pour l’imagerie médicale ou encore médicaments… Mais les ingénieurs qui ont développé ces nanoparticules ne se sont pas demandés ce qu’elles allaient devenir dans la nature », explique Philippe Barthélémy, responsable de ces travaux. 

Des gels à l’étude

Lorsque son laboratoire a commencé à évaluer ce problème, il est rapidement apparu que les nanoparticules de sélénium ou de cadmium utilisées en imagerie médicale persistent dans l’environnement et peuvent se transmettre de génération en génération dans des espèces animales. Il y a donc matière à se préoccuper de cette pollution et à y remédier. Un système de filtrage spécifique qui permettrait de dépolluer présenterait en outre l’intérêt de récupérer ces particules souvent faites de matériaux nobles comme l’or, l’argent ou encore le titane.

A la recherche d’un tel système les chercheurs se sont intéressés aux gels. Aidés de biologistes de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) de l’université d’Aix-Marseille, ils ont développé un hydrogel synthétique performant… mais coûteux. La nature ne pourrait-elle pas fournir des gels tout aussi efficaces et à moindre coût ? C’est alors qu’Alain Thiéry de l’IMBE et Fabien Lombard de la Station marine de Villefranche-sur-Mer ont pensé aux méduses, animaux gélatineux par excellence ! 

Un brevet déposé

En étudiant plusieurs espèces, l’équipe a constaté que l’animal permet en effet de filtrer les nanoparticules. Mais pas la peine d’utiliser l’organisme entier : c’est en fait son mucus, produit en cas de stress, de reproduction ou de mort, qui constitue le filtre. « Ce mucus est composé d’un réseau très dense de molécules de type oligosaccharides et peptines, qui piège les nanoparticules et les retient. Elles s’y agrègent, précipitent et il est alors possible de les récupérer », explique Philippe Barthélémy. Plongé dans un tube de liquide contenant des particules d’or, le mucus absorbe ces dernières en quelques secondes après agitation. 

Ces animaux dont on cherche à réduire la prolifération pourrait donc présenter un réel intérêt environnemental. Les chercheurs ont déposé un brevet protégeant leur découverte et la production de mucus filtrant. Reste à savoir comment il sera produit et utilisé : A partir de méduses récoltées en mer ou produites dans des fermes ? Pour filtrer les eaux de mer ou les eaux de boisson ? En attendant les réponses, les chercheurs évaluent déjà une autre composante de leur trouvaille : les méduses peuvent-elles servir de biomarqueurs des zones polluées par les nanoparticules ? 

Note

*unité 869 Inserm/Université Bordeaux Segalen, CHEMBIOMED (Chimie des systèmes moléculaires et supramoléculaires à visée biomédicale), Bordeaux 

Sources