Maladies rares : l’Inserm coordonne un programme européen d’ampleur inégalée

Un programme européen de très grande envergure sur les maladies rares a été lancé en janvier 2019 : l’European Joint Programme on Rare Diseases (EJP RD). Il réunit des partenaires de recherche, des agences de financement, des hôpitaux, des fondations et des associations de patients issus de 35 pays. Coordonné par l’Inserm, ce programme est destiné à créer un environnement extrêmement favorable à la recherche, pour coordonner les travaux et accélérer le développement de médicaments. Cofinancé par la Commission européenne et les Etats membres pour cinq ans, l’objectif est déjà de le pérenniser.

La recherche sur les maladies rares va connaitre un terrain très favorable en Europe : ce début d’année marque en effet le lancement d’un nouveau programme conjoint européen, l’European Joint Programme on Rare Diseases (EJP RD), destiné à mettre en commun et à valoriser toutes les ressources nécessaires à l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge de ces maladies. Il marque l’aboutissement de nombreuses initiatives nationales ou européennes déjà en cours dans ce domaine. 

D’après les estimations, les maladies rares affectent environ 30 millions de personnes en Europe. Pourtant, chacune d’elle concerne moins de 5 personnes sur 10 000 : c’est dire la quantité et la diversité de ces maladies. Elles se manifestent le plus souvent dès l’enfance et entraînent des handicaps parfois graves et des dépendances. Les patients se heurtent à des blocages sévères : la difficulté d’obtenir un diagnostic fiable en raison de la méconnaissance de ces maladies, et un désert thérapeutique pour beaucoup d’entre eux. Compte tenu de la rareté des cas, seule une mise en réseau des connaissances, des experts et des travaux de recherche permettra d’améliorer leur prise en charge. 

l’Inserm l’a compris depuis longtemps. Et à force d’initiatives, l’Institut est devenu un acteur majeur dans ce domaine en Europe : Il a coordonné le programme E‑RARE entre 2006 et 2014, un consortium réunissant plus d’une vingtaine des financeurs de 17 pays, pour créer un programme commun de financement la recherche sur les maladies rares. Il a été impliqué dans les différents plans nationaux sur les maladies rares et participe au plan France Médecine Génomique 2025, destiné à équiper la France en plateformes génomiques de séquençage à haut débit. l’Inserm a en outre créé Orphanet, un portail d’information sur les maladies rares dont il assure l’animation. Enfin, l’Inserm gère le programme RaDiCo qui encadre la formation de cohortes de patients atteints de maladies rares en France. 

130 institutions, réparties dans 35 pays

C’est donc tout naturellement que le Ministère de la Recherche, lorsqu’il a proposé ce programme structurant à l’échelle européenne, a demandé à l’Inserm de le monter et de le piloter. La tâche a été confiée à l’Institut thématique de Génétique, génomique et bio-informatique (GGB), dirigé par Catherine Nguyen. La première étape a consisté à se tourner vers tous les Etats membres, pour les convaincre du projet et faire adhérer un maximum de parties prenantes : autorités publiques, instituts de recherche, mais aussi les 24 réseaux européens de référence (ERN) représentants plus de 300 hôpitaux, les agences de financement comme l’Agence nationale de recherche (ANR) en France, les infrastructures européennes de la recherche comme Orphanet ou ECRIN, les associations de patients... Plus d’un an a été nécessaire pour mettre le projet sur pieds, mais l’institut thématique GGB peut désormais compter sur 130 institutions, réparties dans 35 pays (27 Etats membres, 7 autres pays d’Europe et le Canada). 

La Commission Européenne a soutenu ce projet dès le début. Elle est en effet engagée dans cette cause avec déjà plus d’un milliard d’euros investis dans différents projets sur cette thématique. Elle financera le projet EJP RD à hauteur de 55 millions d’euros et les Etats membres en apporteront autant sur cinq ans. 

Officiellement lancé en janvier 2019, le projet est géré par un comité de pilotage composé de huit personnes (quatre chefs de projet, un responsable financier, un responsable communication et une assistante d’équipe) dirigé par Daria Julkowska, adjointe à la direction de l’Institut thématique GGB. 

Une organisation autour de quatre piliers

L” EJP RD s’organisera autour de quatre piliers : 

  • Le premier correspond au soutien financier à la recherche sur les maladies rares, impliquant les agences de financement. Un premier appel a déjà été lancé, avec un budget de 27 millions d’euros. Il devrait permettre de soutenir environ 25 projets multinationaux, destinés à améliorer le diagnostic et le traitement de maladies rares. Un appel à projets de ce type est prévu chaque année, pendant les cinq ans du programme. Un autre appel à projet sera également lancé pour favoriser les réseaux avec un budget de 2 millions d’euros sur 5 ans. Ces projets devront permettre de créer de nouveaux réseaux autour de maladies rares peu étudiées, ou encore d’en animer des déjà existants. Des partenariats public-privé seront également recherchés et développés pour financer des projets axés sur le développement de nouveaux traitement ou méthodes de diagnostic. 
  • Une plateforme virtuelle regroupant des données et des ressources nécessaires pour accélérer la recherche constitue le deuxième pilier : registres, biobanques, bases de données, outils bio-informatiques... « De nombreux outils existent déjà, mais seront plus visibles et plus accessibles. Et d’autres, nouveaux, l’enrichiront sans cesse », précise Daria Julkowska.
  • Le troisième pilier s’attache à la formation des patients, des chercheurs et des personnels investis dans les maladies rares. Le catalogue comprendra les nombreuses formations déjà proposées par les partenaires de l’EJP RD et d’autres formations qui verront le jour selon les besoins. Le programme prévoit également une plateforme de e‑learning sur la recherche sur les maladies rares, dispensant une formation gratuite et diplômante, pour apprendre à monter une étude clinique, créer un registre, construire une cohorte, faire de la recherche translationnelle
  • Le pilier 4 vise quant à lui à favoriser la recherche translationnelle et les essais cliniques. Il permettra de faciliter le passage de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et clinique, afin d’accélérer le développement de médicaments. Il impliquera des infrastructures européennes dédiés à la médecine translationnelle (EATRIS) ou aux essais cliniques multinationaux (ECRIN), ainsi que des fondations qui ont l’habitude de partenariats publics-privés (comme le Téléthon). Les projets menés dans le cadre des appels d’offre du premier pilier, mais également ceux issus du programme E‑RARE, seront étudiés pour évaluer les possibilités d’application clinique et aider leur développement et leur financement.

Pour mener à bien ces différentes missions, le comité de pilotages représentant les 130 institutions s’appuiera sur les ressources, les réseaux et les expériences existantes en Europe dans le domaine des maladies rares – comme RD-Connect, ERN, E‑Rare, Orphanet – et des infrastructures de recherche – comme ELIXIR, BBMRI, EATRIS, ECRIN et d’autres. Il s’appuiera également sur les recommandations des comités scientifiques du Consortium international de recherche sur les maladies rares (IRDiRC), dont les experts identifient les points bloquants la recherche dans ce domaine et produisent des recommandations pour les acteurs impliqués (financeurs, agences de santé publiques, laboratoires pharmaceutiques...). L’envergure internationale de ce consortium permet de tenir compte des avancées de tous les continents impliqués dans le domaine, et ainsi de mettre en commun les efforts de recherche. 

D’ici cinq ans, le programme EJP RD intégrera donc tous les ingrédients nécessaires et utiles, qui seront certainement devenus indispensables aux chercheurs étudiant les maladies rares. C’est l’objectif de l’équipe qui réfléchit déjà à la pérennisation du programme.