Maladie de Huntington : des altérations cérébrales sous surveillance rapprochée

La maladie de Huntington est responsable de lésions cérébrales qui ne sont visibles que de façon macroscopique et tardive par IRM conventionnelle. L’imagerie Chemical Exchange Saturation Transfer (CEST) est une nouvelle modalité d’utilisation de l’IRM ; elle permet de cartographier le glutamate dans le cerveau, un potentiel biomarqueur clé de la maladie. Cette technique pourrait être utilisée pour mieux comprendre la physiopathologie de la maladie, mais également pour suivre son évolution de manière plus précise et évaluer l’efficacité thérapeutique de futurs traitements.

Le CEST (Chemical Exchange Saturation Transfer) est une nouvelle modalité d’IRM qui permet de cartographier in vivo certains métabolites présents dans le cerveau avec une bonne résolution spatiale. Une équipe Inserm du Centre de recherche commun CEA/Inserm (MIRCen, CEA de Fontenay-aux-Roses) vient de l’utiliser dans un modèle animal de la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative liée à une anomalie génétique héréditaire. Cette approche a permis de cartographier la distribution du glutamate, une molécule potentiellement impliquée dans la physiopathologie de la maladie. 

Julien Flament*, qui a dirigé l’étude, explique : « L’IRM conventionnelle permet de détecter les protons de l’eau contenue dans les tissus du cerveau pour en faire des images. Elle donne des informations structurelles avec une excellente résolution, inférieure au millimètre, mais renseigne assez peu sur les mécanismes biologiques à l’origine de la pathologie. Le CEST, lui, est une technique d’imagerie métabolique qui repose sur l’échange chimique entre l’eau et le glutamate. Il présente l’avantage de fournir une information biologique pertinente, associée à une très bonne résolution spatiale ». Avec cet outil, le chercheur et son équipe ont pu dresser une cartographie du glutamate au niveau cérébral chez des souris modélisant la maladie de Huntington. 

Une technique utile pour un futur suivi thérapeutique

Cette maladie neurodégénérative se caractérise par des mouvements anormaux, associés à des troubles cognitifs et psychiatriques. Si les origines génétiques de la maladie sont parfaitement connues, les mécanismes biologiques qui sont in fine délétères pour les cellules du cerveau restent à élucider. « Il existe des preuves convaincantes de l’implication du métabolisme énergétique dans la maladie de Huntington, dans lequel le glutamate joue un rôle clé. Ces dysfonctionnements sont longtemps contrebalancés par des mécanismes compensatoires, mais leur épuisement progressif laisse place à la mort neuronale, à l’atrophie des régions cérébrales concernées et à l’apparition des symptômes. En conséquence, ces altérations pourraient constituer des biomarqueurs fonctionnels extrêmement riches en informations sur la progression et l’état de la pathologie et pourraient être utilisés comme témoins pour évaluer l’efficacité d’un traitement ».

Cette étude réalisée à haut champ magnétique (11.7 Tesla) est une preuve de concept qui demande à être reproduite chez l’homme. « Elle a aussi été l’occasion d’observer pour la première fois que le striatum n’était pas la seule structure à présenter de telles altérations, précise Julien Flament. Le corps calleux, qui a peu été étudié dans les maladies neurodégénératives, serait aussi une région présentant d’importantes modulations du glutamate ». Les médecins pourraient ainsi disposer d’une nouvelle région d’intérêt pour repérer précocement les premiers signes de la maladie chez les personnes porteuses du gène muté. L’ensemble permettrait aussi de mieux comprendre les processus biologiques impliqués dans la maladie et de suivre son évolution une fois déclarée. 

« Pour l’heure, il n’existe pas de traitement spécifique de la maladie, reconnaît le chercheur. Cependant, la recherche thérapeutique est active dans ce domaine. On peut imaginer que lorsqu’un traitement sera mis au point, l’imagerie CEST permettra d’évaluer de façon objective son efficacité grâce à ce biomarqueur qu’est le glutamate ». Et si aujourd’hui, la France ne dispose que de quelques IRM cliniques ayant la puissance suffisante (7 Tesla) pour mettre en œuvre l’imagerie CEST du glutamate, le parc d’équipements se développera progressivement ces prochaines années. 

Note

* Unité mixte de service 27 Inserm/CEA, MIRCEN, Fontenay-aux-roses (projet ANR PRTS “HDeNERGY”, ANR- 2014-CE15-007) 

Source

J Pépin et coll. In vivo imaging of brain glutamate defects in a knock-in mouse model of Huntington’s disease. NeuroImage, 2016, 139:53–64.