Des lipoprotéines aideraient-elles à lutter contre la sévérité de la Covid-19 ?

Parce que les lipoprotéines de haute densité (HDL) qui véhiculent le cholestérol dans l’organisme ont aussi une fonction anti-inflammatoire, leur concentration pourrait modifier le cours de la maladie provoquée par le nouveau coronavirus.

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, plusieurs études ont décrit que les lipoprotéines qui transportent les lipides dans le sang sont retrouvées à une concentration d’autant plus faible que les patients présentent une forme grave de la maladie. Or, certaines d’entre elles, les HDL (pour high density lipoprotein), assurent des fonctions protectrices pour l’organisme. Y aurait-il un lien entre leur raréfaction et certains symptômes de la maladie ? Pour approfondir cette question, une équipe de chercheurs a analysé la composition et la fonctionnalité des lipoprotéines, en particulier celles des HDL, chez 8 patients atteints de formes sévères de la Covid-19, admis en réanimation au CHU de l’hôpital Bichat (Paris), et chez 16 témoins non infectés. 

Des particules de HDL moins nombreuses et moins fonctionnelles

Pour être distribués dans l’organisme ou éliminés par le foie, les lipides – des molécules hydrophobes – circulent dans nos liquides biologiques empaquetés avec des protéines. Ces complexes lipoprotéiques peuvent avoir différentes tailles et densités. Les plus connus sont les LDL (pour low density lipoprotein) et les HDL, respectivement impliqués dans le transport du cholestérol vers la paroi des artères (« mauvais cholestérol ») et vers le foie pour son élimination (« bon cholestérol »). « Les HDL ont aussi des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antithrombotiques, explique Olivier Meilhac* qui a dirigé ces travaux. Nous avons voulu apprécier si leur taux et leur composition pouvaient constituer un marqueur pronostique ou prédictif de l’évolution de la Covid-19″.

L’analyse conduite par son équipe, en collaboration avec des cliniciens de l’hôpital Bichat et du CHU de La Réunion, a confirmé que « leur concentration sanguine est plus faible chez les malades que chez des témoins comparables ». Concernant la composition des complexes HDL, le taux de certaines protéines pro-inflammatoires qui leur sont habituellement associées, comme la sérum amyloïde A (SAA), était augmenté chez les malades. À l’inverse, le taux d’autres protéines, comme l’apolipoprotéine A1 (apoA1), était diminué. Des travaux complémentaires, conduits sur des cellules en culture, ont en outre permis aux chercheurs d’observer que les HDL des patients admis en réanimation avaient des propriétés anti-inflammatoires moins développées que celles des sujets contrôles. 

« Pour résumer, le taux de HDL apparaît diminué en cas de Covid-19 sévère et, à taux égal, les HDL de ces patients assurent moins bien leurs fonctions anti-inflammatoires que les HDL de témoins en bonne santé. Or, il a par ailleurs été montré que la SAA, pro-inflammatoire, peut prendre la place de l’apoA1 dans les HDL en situation inflammatoire. Ceci pourrait être l’une des raisons pour lesquelles l’inflammation reste élevée chez les malades, synthétise Olivier Meilhac. Nous posons l’hypothèse que le faible taux de HDL circulant participe à certaines complications associées à la Covid-19, notamment parce que ces lipoprotéines n’assurent plus leur rôle protecteur envers la paroi des vaisseaux. »

Vers une administration de lipoprotéines à visée thérapeutique ?

Cette hypothèse, si elle est vérifiée, pourrait avoir une traduction thérapeutique : « Notre équipe a précédemment décrit un phénomène équivalent chez des souris atteintes d’une septicémie d’origine bactérienne. Nous avons montré qu’il était possible d’améliorer leur pronostic par administration intraveineuse de HDL. Nous réfléchissons donc à la façon dont l’administration de HDL pourrait améliorer le pronostic de patients Covid-19 dont la situation clinique est préoccupante. » Cette approche pourrait reposer sur l’utilisation de produits à base de HDL reconstituées, jusqu’à présent développés par des entreprises privées pour une application cardiovasculaire. 

Sur un plan plus fondamental, la façon dont la composition en lipides des lipoprotéines semble être bouleversée au cours de la maladie mérite aussi d’être explorée. Les lipoprotéines contiennent en effet différents lipides, comme le cholestérol libre ou estérifié, les triglycérides, les phospholipides ou encore les sphingolipides, qui ont tous des fonctions différentes. « Nous poursuivons l’étude de la distribution des lipides dans les HDL des patients atteints de Covid-19. Peut-être que la présence de certains est plus indispensable aux HDL pour assurer leurs fonctions. Dans ce cas, ces informations seraient utiles pour ajuster la composition des HDL reconstituées dans un objectif thérapeutique ».

Note :
* unité 1188 Inserm /Université de La Réunion, Diabète athérothombose Réunion Océan Indien (DéTROI)

Ces travaux ont été conduits avec la participation de collaborateurs des CHU de La Réunion et de l’hôpital Bichat (Paris), de l’unité 1187 Inserm/CNRS/IRD/Université de La Réunion (Processus infectieux en milieu insulaire tropical) et de la clinique Sainte-Clotilde (La Réunion). 

Source : Floran Begue et coll. Altered high-density lipoprotein composition and functions during severe COVID-19. Sci Rep, édition du 27 janvier 2021. doi : 10.1038/s41598-021–81638‑1