Le sildénafil vasodilate, mais remodèle aussi les petits vaisseaux

Le sildénafil est un puissant vasodilatateur utilisé à haute dose dans le traitement de l’hypertension pulmonaire. Une équipe Inserm vient de montrer qu’au-delà de son action locale, le médicament induit un remodelage des vaisseaux qui accroît considérablement la densité du réseau vasculaire.

Le sildénafil est très connu sous le nom commercial de Viagra®. Mais cette molécule est utilisée dans d’autres indications que la dysfonction érectile, en particulier dans le traitement de l’hypertension pulmonaire où elle est administrée à haute dose. En inhibant une enzyme cellulaire appelée PDE5, le sildénafil exerce en effet une action vasodilatatrice qui réduit la pression artérielle au niveau des artères pulmonaires. Par ailleurs, son administration est associée à l’apparition de nouveaux vaisseaux, constatée lors d’examens d’imagerie. « Si le sildénafil entraîne la formation locale de nouveaux vaisseaux, que se passe-t-il dans le reste de l’organisme et comment ces vaisseaux se forment-ils ? », interroge Laurent Loufrani*, qui travaille à Angers sur les mécanismes de l’hypertension et du remodelage vasculaire. Avec son équipe, il a voulu mieux comprendre l’impact de ce médicament lorsqu’il est utilisé à haute dose.

Les chercheurs ont pour cela travaillé chez le rat, dans un contexte expérimental qui permet de « forcer » la formation de nouveaux vaisseaux : l’obstruction d’une artère (ischémie). Concrètement, ils ont ligaturé une artère de la cuisse gauche des animaux, puis administré du sildénafil à haute dose à une partie d’entre eux, pendant 7 ou 21 jours. Ils ont ensuite analysé les vaisseaux des rats des différents groupes, notamment pour identifier la provenance des cellules présentes dans les vaisseaux nouvellement formés.

Un réseau préexistant étoffé

Les chercheurs ont observé une densification du réseau vasculaire dans la zone de l’ischémie, chez tous les animaux. Mais le phénomène était beaucoup plus intense chez les rats qui avaient reçu du sildénafil. Le réseau était 50 % plus important après 7 jours de traitement et sa densité avait même doublé au bout de trois semaines. Il était également plus important dans des zones distantes de l’artère expérimentalement obstruée, notamment au niveau des artères mésentériques (branches de l’aorte abdominale).

Pour savoir si ce phénomène était lié à l’apparition de vaisseaux nouvellement formés ou s’il s’agissait de petits vaisseaux remodelés et devenus plus importants, les chercheurs ont administré des anticorps qui bloquent la formation de nouveaux vaisseaux à certains des animaux qui recevaient du sildénafil. Résultat : ce traitement n’a pas empêché l’augmentation de la densité vasculaire sous sildénafil. « Nous avons ainsi la démonstration du fait que le réseau vasculaire s’étoffe grâce au remodelage de vaisseaux préexistants. Leur diamètre s’accroît, leur paroi s’épaissit, et ils peuvent absorber un plus gros débit sanguin », explique le chercheur.

Ce travail permet de mieux comprendre le mode d’action du sildénafil. Il montre comment la molécule modifie le réseau vasculaire déjà existant, au-delà de son action vasodilatatrice. « Il apparaît que le système vasculaire se trouve considérablement modifié par le sildénafil, dans sa globalité. Si ces observations ne remettent absolument pas en cause l’utilisation de ce médicament, elles objectivent des changements qu’il induit à long terme dans l’organisme et qu’il est important de connaître », conclut-il.

Note :
* unité 1083 Inserm/CNRS/Angers Université, MITOVASC, équipe CarMe

Source : C. Baron-Menguy et coll. Sildenafil-Induced Revascularization of Rat Hindlimb Involves Arteriogenesis through PI3K/AKT and eNOS Activation. Int J Mol Sci du 16 mai 2022. Doi : 10.3390/ijms23105542.

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