Le cuivre comme cible pour contrecarrer certaines perturbations de la maladie d’Alzheimer

Nicolas Vitale, directeur de recherche Inserm et son équipe à l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (unité propre du CNRS) en collaboration avec le Professeur Peter Faller (université de Strasbourg) ont mis au point un transporteur sélectif du cuivre qui permet de capter le cuivre des plaques d’amyloïde beta et de le transporter dans les neurones afin de contrecarrer plusieurs perturbations importantes de la maladie d’Alzheimer. Nicolas Vitale nous explique les détails de cette publication et les prochaines étapes.

Pourriez-vous nous situer le contexte de cette publication ?

Nicolas Vitale : Dans le domaine de la maladie d’Alzheimer de nombreuses études se sont focalisées sur les plaques d’amyloïde beta, un composant que l’on retrouve à proximité des neurones qui dégénèrent dans cette pathologie. Malgré des efforts intenses, il n’y a pas eu beaucoup de progrès réalisés au niveau des traitements.

Un point qui a été négligé dans la maladie d’Alzheimer, c’est le déséquilibre des ions, notamment métalliques. C’est pourquoi nous nous sommes focalisés dans notre étude sur le cuivre. Ce dernier est un cofacteur important pour de nombreuses enzymes. Il apparaît qu’il y a une dérégulation du niveau de cuivre à l’intérieur des neurones et qu’il s’accumule à l’extérieur des neurones lors de la pathologie d’Alzheimer. Ce déséquilibre conduit d’une part à favoriser les plaques amyloïdes beta à l’extérieur des neurones et conduit aussi à la formation d’oxygène réactif qui va induire un stress oxydatif et endommager les cellules et donc favoriser la mort neuronale.

Qu’avez-vous mis en lumière avec cette publication ?

N.V. : Notre idée est de trouver des molécules qui permettent de rétablir le cuivre à l’intérieur des neurones et donc en jouant le rôle de navette de le transporter de l’extérieur à l’intérieur de la cellule. Pour ce faire, on a choisi une approche modulaire basée sur l’utilisation de peptides. Un premier module correspond à un motif peptidique qui est connu pour avoir une très forte affinité pour le cuivre (le module ATCUN). Un deuxième module correspond à ce que l’on appelle un « Cell Penetrating Peptide » qui permet de traverser la membrane plasmique des cellules. Ainsi en couplant ces deux modules, on a réussi à capturer le cuivre des plaques amyloïdes beta et de le faire rentrer dans les cellules.

Quelles sont les prochaines étapes ?

N. V. : Jusqu’à présent on a travaillé sur une lignée cellulaire en culture où on a montré que la navette est capable de transporter le cuivre de l’extérieur à l’intérieur de la cellule. Et aussi que le cuivre qui est rentré par ce moyen dans la cellule devient biodisponible, c’est à dire qu’il est capable de se détacher de cette navette et d’être accessible à d’autres molécules dans la cellule.

La seconde étape est de comprendre les mécanismes qui permettent à cette navette de rentrer et de connaître les compartiments vésiculaires par lesquels elle transite, afin de pouvoir éventuellement améliorer l’entrée cellulaire de notre navette du cuivre.

Au niveau pathologique, nous avons démarré des expériences avec des cultures organotypiques de neurones de cerveau de souris (culture qui maintient l’organisation de structures cérébrales et le fonctionnement des neurones en réseau). Les premiers résultats avec ce type de modèle montrent que lorsque l’on dépose la protéine beta on induit bien de la mort neuronale, ainsi que l’activation de cellules microgliales qui sont des cellules qui répondent à l’inflammation. Et lorsque l’on utilise notre navette, on réduit très fortement cette mort neuronale et cette inflammation, ce qui semble effectivement prévenir les dommages induits par cette protéine beta.

La maladie d’Alzheimer est vraisemblablement la conséquence d’une dérégulation de divers facteurs. Ainsi pour la traiter ou la prévenir, il faudra probablement s’attaquer à plusieurs aspects de la maladie et non pas sur un aspect unique comme cela à souvent été le cas jusqu’à présent. Ainsi, on envisage que corriger le défaut du cuivre en augmentant son niveau dans les neurones du cerveau représentera un des outils de l’arsenal thérapeutique multiple qu’il faudra mettre en place pour prévenir la maladie.

Pour en savoir plus sur cette publication, consultez l’article paru en septembre 2022 dans Chemical ScienceDevelopment of Cu(ii)-specific peptide shuttles capable of preventing Cu–amyloid beta toxicity and importing bioavailable Cu into cells