Information scientifique : Pour une communication éthique

À l’heure où les informations scientifiques erronées ou mensongères se transmettent librement, le comité d’éthique de l’Inserm consacre sa sixième journée annuelle à l’éthique de la communication. À cette occasion, Hervé Chneiweiss, chercheur en neurobiologie et président du comité d’éthique de l’Inserm, et Didier Pourquery, président du site d’information et d’analyse de l’actualité The Conversation France*, partagent ici leur vision sur le rôle des médias et des revues scientifiques. 

Une interview à retrouver dans le n°43 du magazine de l’Inserm.

Pourquoi l’éthique de la communication est-elle un enjeu aujourd’hui ?

Hervé Chneiweiss : La communication des résultats scientifiques a toujours été au cœur de l’activité des chercheurs : c’est par elle que nos résultats sont validés lorsqu’ils sont reproductibles. Mais publier dans de grandes revues scientifiques facilite aussi le financement de nouveaux projets et la reconnaissance des pairs. Ce qui a pu inciter à des fraudes ou à des arrangements avec la science. De tels manquements à l’intégrité minent la confiance de la société à l’égard des chercheurs. 

Didier Pourquery : Or la société vit un moment paradoxal de son histoire : elle n’a jamais eu accès à autant de savoirs, mais elle est en même temps assaillie d’affirmations « alternatives » sur les acquis de la science. Dans cette ère de post-vérité, qui profite de la vitesse des réseaux sociaux, une information honnête et de qualité est indispensable, surtout dans les domaines qui touchent à la santé ou à la planète. 

La presse et les revues scientifiques peuvent-elles jouer ce rôle ?

D. P. : Oui. La curiosité est un pilier du journalisme. Notre responsabilité est de questionner sans cesse les données et leur interprétation en sollicitant modestement les spécialistes les plus à même de répondre à nos questions. Les journalistes qui le font éclairent leur public. Tandis que ceux qui jouent aux experts accroissent la méfiance envers les médias. 

H. C. : Une bonne revue scientifique garantit en principe une expertise plurielle et de qualité par les pairs, dont l’analyse critique mériterait par ailleurs d’être publiée. Ce filtre permet aussi de hiérarchiser la valeur des résultats. D’ailleurs, si tout devient accessible sans évaluation préalable dans des archives ouvertes, comment nous orienterons-nous ? C’est une vraie question. 

Alors comment transmettre la complexité des résultats scientifiques ?

D. P. : Avec générosité ! Le journaliste a pour immense défi de trouver pour son public des formes d’expression simples, fiables et captivantes : blogs, infographies, chaînes vidéo… Il peut aussi s’allier aux chercheurs pour diffuser la science et l’esprit critique – comme le font les 70 000 enseignants-chercheurs et les 100 journalistes qui collaborent sur la plateforme mondiale The Conversation. 

H. C. : Quel langage commun adopter pour parler de science avec le public ? Journalistes, public et chercheurs doivent être mieux formés à nos méthodes et toujours garder un œil critique, notamment sur les statistiques. Prudence : ne donnons pas de faux espoirs en négligeant la complexité du vivant et des questions de santé ! Ces problématiques multidisciplinaires nécessitent des recherches en communication de la complexité. 

*Un partenariat entre l’Inserm et The Conversation France offre un canal médiatique aux chercheurs de l’Institut.