Granulomatose avec polyangeite : le come-back de la protéine PR3

Utilisée pour diagnostiquer une vascularite nécrosante rare, la granulomatose avec polyangéite, la protéine PR3 aurait un rôle bien plus important qu’on ne le pensait jusqu’ici : c’est elle qui déclencherait les composantes inflammatoire et auto-immune caractéristiques de la maladie.

Une nouvelle étude ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques pour une maladie rare aux causes mystérieuses : la granulomatose avec polyangéite (GPA) ou « granulomatose de Wegener ». Affectant 3 à 4000 personnes en France, cette inflammation nécrosante des petits vaisseaux sanguins se caractérise par la formation d’amas de cellules immunitaires nommés granulomes. Elle peut provoquer une insuffisance rénale, des hémorragies pulmonaires... ou bien encore des atteintes graves des sinus. A base de corticoïdes et d’immunosuppresseurs aux lourds effets secondaires (risque accru d’infections, de cancers...), le traitement actuel permet une rémission dans 85 % des cas. 

Une maladie auto-immune pas comme les autres...

Toutefois, ce traitement n’est pas spécifique de la maladie dont on ne connait pas encore les causes biologiques précises. Et malheureusement, la moitié des patients rechutent dans les cinq ans suivant le diagnostic. Mais cette nouvelle étude change la donne. « Nous venons en effet de découvrir qu’une protéine nommée PR3, jusqu’ici considérée comme un simple marqueur passif de la maladie, en serait en fait le principal déclencheur ! », lance Véronique Witko-Sarsat, co-auteure et responsable d’une équipe Inserm* à l’hôpital Cochin (Paris).

Précédemment, cette équipe avait découvert que certains globules blancs des malades – les neutrophiles – expriment la protéine PR3 à leur surface lorsque s’enclenche leur mort naturelle (par apoptose). La PR3 génère alors la production d’auto-anticorps dirigés contre cette protéine du soi, de quoi classer la GPA en maladie auto-immune. Problème : jusqu’ici, aucune étude n’est parvenue à prouver que ces auto-anticorps étaient les responsables de la maladie. Et si c’était du côté de la PR3 elle-même qu’il fallait creuser ? En étudiant in vitro des cellules immunitaires prélevées dans le sang et dans les granulomes de malades, puis en réalisant des expérimentations in vivo sur des souris, cette équipe est allée de surprises en surprises. 

Des réactions en cascade

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© Inserm Etude de la moelle osseuse et de l’hématopoièse

Les chercheurs ont d’abord découvert que la PR3 exprimée à la surface des neutrophiles en apoptose était prise, à tort, comme un signal de danger par une autre catégorie de cellules du système immunitaire : les macrophages. En effet, l’équipe a observé qu’en présence de PR3, les macrophages génèrent la production de certaines molécules inflammatoires telle l’interleukine-1 (IL‑1). Mais ce n’est pas tout : les macrophages envoient aussi des signaux stimulant une troisième catégorie de cellules immunitaires, les cellules dendritiques plasmacytoïdes. Cette stimulation a un double effet : une baisse des globules blancs destinés à tempérer les ardeurs du système immunitaire (lymphocytes T régulateurs), et une hausse de lymphocytes très inflammatoires. Au final, c’est donc bien la PR3 qui déclenche tout un microenvironnement favorable à l’inflammation et à l’auto-immunité !

Ces résultats ouvrent en outre de nouvelles pistes thérapeutiques. On pourrait par exemple tenter de compléter le traitement standard actuel avec l’une des nombreuses molécules disponibles, capables d’inhiber la production de l’interleukine‑1. « Ces molécules anti IL‑1 sont en effet déjà très efficaces pour soigner d’autres maladies comme la goutte et la fièvre méditerranéenne familiale », précise Véronique Witko-Sarsat. Autres pistes à creuser : développer des molécules capables de rendre la PR3 invisible aux macrophages, ou bien encore des molécules capables de reprogrammer les cellules dendritiques plasmacytoïdes... En attendant, cette étude devrait déjà permettre de créer des modèles animaux, pour tester des traitements et continuer à progresser dans la compréhension de la maladie. 

Note

*Unité U1016 Inserm/CNRS/Institut Cochin/Université Paris Descartes 

Source

A.Millet et coll., Proteinase 3 on apoptotic cells disrupts immune silencing in autoimmune vasculitis. JCI, 125, 11, 4107, Novembre 2015.