Le génome du grand ouest passé à la loupe

L’analyse génétique de personnes géographiquement proches favorise les chances d’identifier des mutations rares piégées dans la population du fait de mariages entre personnes vivant dans la même zone. A Nantes, les équipes de l’Institut du thorax (Inserm UMR 1087) ont testé cette hypothèse avec succès dans le grand ouest de la France.

Dis-moi de quelle région tu viens, je te dirai quels sont tes gènes ! Et si l’ADN portait en effet les stigmates de son origine géographique à l’échelle d’une zone restreinte ? C’est ce que laisse entendre une nouvelle étude conduite à l’Institut du thorax, à Nantes. Les chercheurs ont en effet montré une corrélation importante entre le polymorphisme génétique de personnes et leur lieu de naissance. Ils comptent bien s’en servir pour découvrir des mutations rares « piégées » dans des populations de l’ouest de la France. 

A la recherche de mutations rares

Ce travail étonnant est né d’une initiative menée par l’Institut du thorax et soutenu par la région Pays de la Loire : le projet VaCaRMe. Celui-ci consiste à analyser le génome de 5 000 volontaires vivant dans cette région pour rechercher des anomalies génétiques à l’origine de maladies cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques. « Les mutations rares s’expriment souvent fortement, avec des répercussions directes sur l’état de santé des patients. Il est donc très utile et efficace de les connaître pour améliorer le dépistage de ces maladies et découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques, explique Christian Dina*, docteur en épidémiologie génétique et coauteur des travaux. Or, nous suspectons que le fait de vivre dans une aire géographique déterminée et démographiquement stable favorise la transmission et le maintien de ces mutations dans la population. C’est par exemple probablement ce qui se passe avec les cas de rétrécissements aortiques calcifiés dépistés dans le village de Pont-Saint-Martin en Loire-Atlantique. Ces personnes sont en fait apparentées par un ancêtre commun du XVIIe siècle, laissant soupçonner l’existence d’une mutation qui se serait répandue localement suite à des mariages de proximité. Peut-être qu’en étudiant des populations géographiquement proches nous avons plus de chance d’identifier des mutations rares », estime-t-il. 

Proximité génétique et géographique

Mais pour cela, les scientifiques voulaient en préambule vérifier que cette proximité suspectée entre génome et lieu de naissance était réelle et systématique à une échelle aussi fine. Ils ont donc analysé l’ADN de plus de 1 680 personnes incluses dans deux cohortes du grand ouest de la France (DESIR et Cavsgen). « Ce travail a nécessité la collaboration d’un grand nombre d’équipes telles que le groupe D.E.S.I.R., les unités CNRS 8199 et 5525 de Lille et de Grenoble et même l’Institut de physiologie clinique de Pise », précise Christian Dina. Les chercheurs ont obtenu une valeur génomique moyenne, reflétant pour chaque individu l’association de marqueurs génétiques, puis ils ont regardé leurs lieux de naissance : « Il y a des similarités réelles entre ADN et lieux de naissance, plus ou moins importantes en fonction des origines. Ces associations sont plus fortes dans le Finistère qui est un département assez enclavé, ou encore dans le nord de la Vendée » indique le chercheur. « Ces travaux montrent que les conditions sont réunies pour favoriser les chances de trouver des mutations rares. Et c’est la suite donnée à notre projet ! En collaboration avec l’Observatoire régional de la santé, nous recherchons maintenant des zones avec une forte concentration de pathologies cardiovasculaires, métaboliques ou respiratoires, pour tenter d’identifier des variants génétiques associés à ces maladies », conclut Christian Dina. 

Note

*unité 1087 Inserm/CNRS/Université de Nantes, Institut du thorax, Nantes 

Sources

M. Karakachoff et coll., Eur J Hum Genet, édition en ligne du 3 septembre 2014