L’exposition in utéro aux immunosuppresseurs augmente le risque d’infection chez le nourrisson

L’utilisation de corticoïdes pendant la grossesse, par voie orale, inhalée ou nasale, semble accroître le risque d’infection chez le nourrisson après sa naissance, au même titre que les autres traitements immunosuppresseurs. Une étude menée par des chercheurs toulousains montre en effet que l’exposition in utéro à l’ensemble de ces médicaments augmente ce risque de façon dose-dépendante.

La prise d’immunosuppresseurs par la mère pendant la grossesse pourrait bien impacter le système immunitaire du fœtus et sa capacité à se défendre contre les infections au cours de sa première année de vie. C’est ce qui ressort d’une étude menée par une équipe Inserm*, à partir d’une cohorte française. Les immunosuppresseurs sont des médicaments destinés à réduire l’activité du système immunitaire pour lutter contre une inflammation, une allergie, un rejet de greffe ou encore certains cancers du sang. Ils comprennent des biothérapies comme les anti-TNF alpha, des chimiothérapies ou encore les corticoïdes couramment utilisés par voie locale ou générale. Or, tous ces médicaments traversent le filtre placentaire. C’est pourquoi les chercheurs s’intéressent aux conséquences possibles de cette exposition pendant la vie fœtale, période durant laquelle le système immunitaire est en formation et encore immature. Une quête d’autant plus légitime qu’un enfant était décédé d’une infection en 2010, suite à une immunodépression provoquée par son exposition in utéro à un anti-TNF alpha. 

Dans ce contexte, des chercheurs toulousains ont voulu vérifier si la prise d’immunosuppresseur pendant la grossesse était corrélée à une moins bonne immunité au cours de la première année de vie. Pour cela, ils ont utilisé la cohorte EFEMERIS, composée de femmes enceintes vivant en Haute Garonne. Ils disposaient des données sur la santé de ces femmes et leur prise de médicaments pendant leur grossesse, sur le déroulement de l’accouchement et sur l’état de santé des enfants pendant leurs deux premières années de vie. Grâce à cet outil, les chercheurs ont mis en regard les prises d’immunosuppresseurs chez les futures mères et les prises d’anti-infectieux (antibiotiques, antifongiques…) chez les nourrissons de 0 à 1 an, révélatrices d’une infection. 

Un effet dose-dépendant

Ils ont alors constaté que l’exposition in utéro à un ou plusieurs immunosuppresseurs était associée à une augmentation du risque d’infection au cours de la première année de vie, avec un effet dose-dépendant. Alors que les enfants non exposés contractent en moyenne 2,39 épisodes infectieux, ceux exposés à un traitement immunosuppresseur en font 2,92, ceux exposés à deux traitements immunosuppresseurs en font 3,33 et ceux exposés trois fois ou plus en subissent 3,90. « Ces augmentations sont modestes, mais loin d’être anodines : à partir de deux expositions, les enfants présentent pendant leur première année de vie un épisode infectieux supplémentaire nécessitant un traitement anti-infectieux. Cet effet dose-dépendant incite à la prudence dans l’utilisation de ces médicaments pendant la grossesse. Certains immunosuppresseurs comme des corticoïdes inhalés en cas d’asthme, ou administrés par voie nasale en cas d’allergie, peuvent paraître anodins. Mais une fraction du médicament passe dans le sang et a finalement des effets systémiques », explique Christine Damase-Michel, responsable de ces travaux. 

Pour arriver à ces conclusions les auteurs ont bien sûr tenu compte de plusieurs paramètres importants, en particulier le taux et la durée de l’allaitement dont on sait qu’il impacte le système immunitaire des nourrissons. « Les résultats sont solides, quel que soit le cas de figure. A ce titre, nous ne pouvons que rappeler l’importance d’utiliser ces médicaments à bon escient. Dans la cohorte étudiée, un tiers des femmes avait pris au moins un immunosuppresseur pendant la grossesse, le plus souvent par voie locale, ne soupçonnant pas forcément l’impact possible pour le fœtus. Ces prises de médicaments sont souvent nécessaires et il ne faut surtout pas les interrompre de façon intempestive. Mais elles ne doivent pas être banalisées, quelle que soit la voie d’administration », conclut Christine Damase-Michel. 

Note

*unité 1027 Inserm/université Paul Sabatier, Toulouse 

Source

L. Palosse-Cantaloube et coll. Risk of infections during the first year of life after in utero exposure to drugs acting on immunity : A population-based cohort study. Pharmacol Res, édition en ligne avancée du 30 septembre 2016