La dénervation rénale au secours de certains hypertendus sévères

La dénervation rénale, consistant à interrompre l’activité électrique des nerfs à destinée rénale, peut aider à baisser la pression artérielle chez des patients présentant une hypertension artérielle sévère résistante aux traitements. C’est ce que montrent les premiers résultats, à 6 mois, d’une étude coordonnée à l’Hôpital européen Georges Pompidou à Paris.

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© Inserm, P. Latron Mesure de la tension – CIC 9301 hôpital cardiologique de Lille. 

La dénervation rénale pourrait bien devenir une arme supplémentaire pour lutter contre l’hypertension artérielle. Et pas n’importe laquelle : la résistante, celle qui persiste malgré l’association de plusieurs traitements médicamenteux disponibles. Cette forme rebelle concerne 5 à 30% des personnes hypertendues, soit au minimum un million d’individus en France. 

Deux équipes de l’Hôpital européen Georges Pompidou (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) dirigées par les Pr Michel Azizi* et Marc Sapoval**, s’intéressent depuis plusieurs années à la dénervation rénale pour réduire la tension artérielle. « Cette technique consiste à interrompre les connexions nerveuses entre les reins et le cerveau (système nerveux sympathique), pour bloquer des mécanismes vasoconstricteurs d’une part, et ceux impliqués dans la rétention hydrosodée d’autre part. Ces mécanismes contribuent à la résistance tensionnelle aux traitements antihypertenseurs », explique Michel Azizi. 

En pratique, un radiologue ou cardiologue interventionnel applique contre la paroi des artères rénales un courant électrique de faible intensité (ondes de radiofréquence) délivré par un cathéter. Celui-ci est introduit successivement dans les deux artères rénales par voie endovasculaire, via la voie artérielle fémorale, sous sédation. 

Les médicaments doivent être associés à la dénervation rénale

Dès 2009, des patients ont été traités par cette technique dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé international. Cette première étude avait montré la faisabilité de la dénervation rénale et des premiers résultats positifs en termes de contrôle tensionnel. Mais cet essai avait de nombreuses limites méthodologiques. C’est pourquoi les Pr Azizi et Sapoval coordonnent, depuis mai 2012, un nouvel essai clinique multicentrique français (DENERHTN), financé par le ministère de la Santé et promu par l’AP-HP, destiné à préciser le rapport bénéfice-risque et le rapport coût-efficacité de cette technique par rapport à une prise en charge médicamenteuse exclusive.

Exactement 106 patients ont été inclus et répartis en deux groupes : les patients du premier groupe ont été dénervés et prennent un traitement associant plusieurs molécules hypotensives, ceux du second groupe suivent seulement le traitement médicamenteux. Dans les deux cas, le nombre d’antihypertenseurs a augmenté progressivement au cours de l’essai, pour atteindre 5 médicaments différents en moyenne après 6 mois. 

Les résultats sur cette période viennent de paraître dans la prestigieuse revue anglaise, The Lancet. Ils montrent une réduction tensionnelle de l’ordre de 6 mmHg supplémentaire en mesure ambulatoire de pression artérielle en faveur de la dénervation rénale. Cela représente une baisse moyenne de la pression artérielle systolique en mesure ambulatoire diurne de 15,8 mmHg dans le groupe dénervé et de 9,9 mmHg dans le groupe contrôle. Cette baisse tensionnelle a été obtenue avec une bonne sécurité d’emploi de la technique de dénervation. 

Un suivi prolongé sur 36 mois

Ce résultat est le fruit d’une prise en charge et d’un suivi très standardisés dans des centres d’excellence en hypertension artérielle, notamment pour obtenir des mesures tensionnelles réalisées dans des conditions extrêmement rigoureuses. C’est pourquoi cette baisse atteste d’un bénéfice réel qui contredit d’autres résultats antérieurs négatifs, mais pour lesquels l’ensemble des procédures et des mesures n’étaient pas standardisées et donc plus variables », clarifie Michel Azizi. Le suivi va se poursuivre pendant 36 mois au total. Les auteurs espèrent que cette durée permettra d’évaluer le maintien de la réduction tensionnelle dans le temps, sachant qu’il n’est pas impossible que les artères rénales finissent par se réinnerver. 

Ce délai devrait également permettre aux auteurs de préciser le profil des patients qui bénéficieront le plus de cette technique. « Nous constatons que les patients dont la pression artérielle est la plus élevée à l’inclusion et ceux qui sont les plus observants au traitement médicamenteux figurent parmi les bons répondeurs à la dénervation, illustre Michel Azizi. A l’inverse d’autres patients ne répondent pas du tout, mais cela peut être dû à une dénervation moins complète ou à une mauvaise observance du traitement médicamenteux. Or, nous savons qu’il ne s’agit pas d’un traitement miracle, les médicaments associés sont indispensables », clarifie-t-il.

Les chercheurs communiqueront au fur et à mesure sur les résultats de la suite de l’essai avec notamment un second point attendu après un an. 

Notes

* Centre d’investigation clinique 1418 et service d’hypertension artérielle 
** Service de radiologie interventionnelle 

Sources

M. Azizi et coll. Optimum and stepped care standardised antihypertensive treatment with or without renal denervation for resistant hypertension (DENERHTN): a multicentre, open-label, randomised controlled trial. The Lancet, édition en ligne du 26 janvier 2015