Découverte d’un gène impliqué dans des formes familiales de scoliose

Des équipes Inserm ont identifié un gène qui serait responsable de 10% des formes familiales de scoliose. Un dépistage systématique dans les familles concernées pourrait améliorer la prévention chez les moins de 16 ans.

Un travail de fourmi

Un gène semble responsable d’environ 10% des formes familiales de scoliose idiopathique, une déformation de la colonne vertébrale qui survient pendant la croissance, sans cause décelable. Il s’agit d’une première : jusque-là, les études visant à comparer les génomes de patients à ceux de personnes qui ne présentent pas de déformation de la colonne n’avaient révélé que des gènes de susceptibilité, ne pouvant expliquer à eux seuls la survenue d’une scoliose. 

La scoliose affecte 3% de la population générale à l’âge de 16 ans. Sachant qu’environ 40% des cas sont familiaux, il doit exister au moins un ou deux gènes transmissibles, impliqués dans le développement de cette déformation. Pour en avoir le cœur net, des médecins du centre de recherche des neurosciences de Lyon ont repéré tous les cas familiaux dans leur patientèle, à la recherche de ces mystérieux gènes. « Il s’agissait d’un véritable travail de terrain. J’ai passé des jours et des nuits, pendant une quinzaine d’année, à enquêter sur ces patients, à reconstituer des arbres généalogiques et à étudier la transmission de la scoliose dans ces familles, raconte Patrick Edery*. A partir de toutes ces données, en fonction des fréquences de transmission, un généticien peut suspecter une hérédité monogénique, c’est-à-dire reposant sur la transmission d’une mutation affectant un seul gène ». 

L’étude d’une quarantaine de familles a permis aux chercheurs d’en identifier six répondants aux critères de transmission monogénique. Ils ont analysé le génome complet de chacun de leurs membres, atteints ou non de scoliose, pour repérer des régions chromosomiques liées à la maladie. Des résultats concluants ont été obtenus dans une seule de ces familles, avec deux régions impliquées identifiées. C’est enfin en séquençant ces régions pour connaître les gènes s’y trouvant que les scientifiques sont arrivés au gène POC5.

Dépister POC5 chez les familles touchées

Restait à vérifier que ce gène est bien pathogène. Pour cela, l’équipe française s’est associée à une équipe canadienne du CHU Sainte Justine (Montréal). Les chercheurs ont fait s’exprimer le gène humain chez un poisson (le zebrafish) et, alors que l’expression du gène humain non muté permet un développement normal des animaux, les poissons porteurs de la version mutée du gène POC5 développent une scoliose.

Forts de ces conclusions, les chercheurs sont retournés vers les données relatives aux 40 familles de départ et ont analysé la séquence du gène POC5 de leurs membres : des variants ont pu être identifiés dans quatre familles. « Ce gène parait donc impliqué dans environ 10% des formes familiales, mais ce n’est surement pas le seul gène responsable de la scoliose chez l’homme. Il y en a probablement un autre, peut-être localisé dans la seconde région chromosomique que nous avons identifiée, qui interagit avec la protéine POC5 pour entraîner l’apparition de la déformation », estime Patrick Edery. 

En attendant d’en savoir plus, le chercheur propose déjà de rechercher d’éventuelles mutations de POC5 chez les enfants issus de familles concernées par la scoliose, ceci dans l’objectif d’améliorer la prévention de la maladie. Certains laboratoires associés à des consultations en génétique pourraient bientôt commencer à pratiquer ce test. « En parallèle, nous continuons à rechercher d’autres facteurs génétiques prédictifs et, surtout, nous tentons de corréler le type de mutation avec le pronostic de la scoliose, évolutive ou non, sévère ou non, pour affiner la prévention et le suivi », conclut le chercheur. 

Note 
*unité 1028 Inserm/CNRS Université de Lyon 1, Centre de recherche en neuroscience de Lyon, équipe TIGER, Lyon 

Source 
S.A. Patten et coll. Functional variants of POC5 identified in patients with idiopathic scoliosis. J Clin Invest, édition en ligne du 2 février 2015