Découverte d’une nouvelle illusion

Le cerveau a plusieurs manières de traiter les informations, il peut même parfois en anticiper. Dans leur étude récente, Anne Giersch et son équipe ont découvert un nouvelle illusion.

Les informations prédictives permettent au cerveau de minimiser les coûts de traitement d’informations. Celui-ci s’aide de motifs réguliers de notre environnement afin de traiter ces informations, ou dans les cas d’irrégularités permet son adaptation afin de prévenir les erreurs. De nos jours, la manière dont ces erreurs impactent notre perception consciente reste incertaine, notamment lorsque les prédictions concernent notre vision. Lors de cette étude, les individus sains ont visionné deux carrés se dirigeant l’un vers l’autre à une vitesse constante. Plusieurs variations de ces carrés ont été soumises. Ils devaient alors noter la présence ou l’absence d’un contact entre ces deux formes avant leur disparition. Les individus sains ont observé que l’illusion d’un espace entre les carrés se formait alors même que les bords se rencontraient. Cette illusion se présentait si les formes restaient 17 à 33 millisecondes après leurs arrêts avant de disparaître, tandis qu’elle ne persistait pas pour la vidéo où les carrés restaient 200 millisecondes après leurs arrêts.

Vidéo 17 millisecondes ©Ljubica Jovanovic
Vidéo 33 millisecondes © Ljubica Jovanovic

Vidéo 17 millisecondes : deux carrés noirs sur fond gris se rapprochent l’un de l’autre, jusqu’à se toucher et à disparaître immédiatement. Au moment où les bords des carrés se touchent, on a l’illusion visuelle qu’un espace persiste entre les deux carrés.

Vidéo 33 millisecondes : les mêmes deux carrés noirs qui se rapprochent l’un de l’autre. Cette fois-ci il n’y a pas d’illusion. Au moment où les carrés se touchent, ils disparaissent.

Pourquoi cette illusion ? 

Lorsque deux objets se dirigent l’un vers l’autre, intuitivement, le cerveau s’attend à ce qu’ils se rencontrent. Cependant, ce n’est pas ce que les individus sains ont observé, ils ont même reporté des espacements allant jusque plusieurs millimètres entre les deux formes géométriques. Ces réponses suggèrent une véritable perception plutôt qu’un biais de décision. Anne Giersch et son équipe expliquent cette illusion comme une conséquence directe d’une infraction de prédiction à bas niveau, indépendamment de prédictions à haut niveau. En effet, selon le schéma de codage prédictif, lorsque les prédictions sont bouleversées, un signal d’erreur se propage dans la boucle prédictive. En conséquence, la perception finale devient une combinaison d’erreurs de prédiction et d’informations sensorielles entrants.

Bien que la chercheuse et son équipe n’abordent pas la question de pathologie dans cet article, ils espèrent pouvoir faire de cette nouvelle illusion un outil permettant d’explorer des mécanismes de prédiction visuelle élémentaire dans l’autisme et la schizophrénie, sujet de recherche du laboratoire d’Anne Giersch.

Anne Giersch est directrice du laboratoire Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie (U1114) sous la double tutelle de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg. Pour en savoir plus sur la l’illusion et les différentes expériences menées, consultez Strong perceptual consequences of low-level visual predictions : a new illusion, un article paru en septembre 2022 dans Cognition.