Covid-19 : à la recherche de biomarqueurs immunitaires

Une équipe Inserm va analyser la réponse immunitaire de personnes atteintes de Covid-19 et comparer celle de patients guéris à celle de malades en situation critique qui nécessitent une ventilation assistée. L’objectif est d’identifier des marqueurs de l’évolution favorable ou défavorable de la maladie, mais aussi d’étudier les cellules mémoires productrices d’anticorps anti-SARS-CoV‑2. Ce projet, baptisé Harmonicov, vient de démarrer. À terme, il inclura une centaine de participants.

À Rennes, Michel Cogné* et ses collaborateurs sont à la recherche de biomarqueurs de la réponse immunitaire chez les patients hospitalisés pour une forme sévère de Covid-19, permettant de différencier ceux chez qui la maladie évolue favorablement de ceux nécessitant une ventilation assistée. Ils ont démarré le projet Harmonicov, visant à suivre l’évolution de la réponse immunitaire et à la caractériser chez une centaine de personnes. Pour cela, Michel Cogné est entouré de cliniciens du CHU de Rennes, dont l’équipe de Jean-Marc Tadié (service Maladies infectieuses et réanimation médicale), et de deux équipes dirigées par Karin Tarte et Mikaël Roussel*, notamment spécialisées en immunomonitoring et en cytométrie de masse, ainsi que dans la production d’anticorps monoclonaux. « Nous avons besoin de toutes ces compétences pour étudier très précisément la réponse immunitaire pendant toute la phase aigüe de la maladie chez des dizaines de personnes », explique-t-il. 

La cohorte sur laquelle va s’appuyer l’étude sera composée d’une centaine d’adultes âgés de moins de 65 ans : 25 témoins admis en réanimation pour détresse respiratoire mais non atteintes de Covid-19, 25 personnes en bonne santé, et 50 personnes hospitalisées pour un Covid-19, dont la moitié ont besoin d’une ventilation assistée et l’autre non. Leur réponse immunitaire sera étudiée pendant les 14 jours suivant leur admission à l’hôpital, puis quatre mois après la sortie pour les patients guéris. Des échantillons sanguins, prélevés le jour de l’inclusion puis à J3, J4, J7 et J14, seront analysés par diverses méthodes (cytométrie de masse et de flux, séquençage des répertoires à haut débit). En analysant jusqu’à plusieurs dizaines de composants membranaires présents dans un échantillon, la cytométrie de masse (CyTOF) permettra d’identifier avec une grande précision les différentes populations et sous-populations de cellules immunitaires représentées. Le séquençage à haut débit sera quant à lui utilisé pour caractériser les récepteurs présents à la surface des lymphocytes T et B spécifiques de la réponse immune adaptative. « Nous obtiendrons pour chaque échantillon des informations sur des centaines de milliers de cellules, comme une photographie de la réponse immunitaire à un instant précis, explique Michel Cogné. Et en renouvelant ces analyses régulièrement, nous suivrons l’évolution des populations de cellules chez chaque patient. Avec l’aide de bio-informaticiens, nous rechercherons des anomalies comme l’absence de certains récepteurs spécifiques, un déficit en certains types cellulaires, ou au contraire leur surreprésentation au cours de l’infection. Et cela au sein des différents groupes de la cohorte, afin de comparer les résultats. L’objectif final est de mieux comprendre la réponse immunitaire en cas d’infection par le SARS-CoV‑2, et d’identifier des marqueurs prédictifs de l’évolution de la maladie. En outre, ce projet permettra d’isoler et d’immortaliser des lymphocytes T mémoires producteurs d’anticorps anti-SARS-CoV‑2 pour les étudier et identifier des anticorps monoclonaux neutralisants que tout le monde recherche. »

Cet essai, financé par le programme Flash-Covid de l’Agence national de la recherche, a débuté il y a un mois. La moitié des participants sont déjà inclus. La durée prévue du projet est de 18 mois, mais de premiers résultats utiles à la prise en charge des patients pourraient être disponibles d’ici là : « Nos travaux pourraient permettre de prévoir l’aggravation de la maladie et, éventuellement, de modifier les pratiques médicales en conséquence », prévoit Michel Cogné. 

Des tests salivaires

Michel Cogné prépare actuellement un second projet, destiné à développer des tests sérologiques salivaires. L’idée est de détecter des anticorps anti-SARS-CoV‑2 appelés IgA à partir d’un simple échantillon de salive, puis de vérifier si leur présence est corrélée à celle des anticorps présents dans le sérum et si elle est associée à une protection contre l’infection. Les IgA jouent un rôle important dans la fonction immunitaire des muqueuses. « Puisque le Covid-19 est une infection des muqueuses des voies respiratoires, nous sommes à peu près certains de trouver des IgA dans la salive. Or, dans le cas d’un dépistage à grande échelle en population générale, un test salivaire rapide et non invasif serait extrêmement utile pour savoir rapidement qui est protégé ou non de l’infection », clarifie Michel Cogné. À partir d’échantillons salivaires de patients guéris, obtenus notamment chez des soignants du CHU de Rennes, il vérifiera si ces IgA sont facilement détectables et évaluera la pertinence de leur dépistage. Ces travaux sont en attente de financement. 

Note :
*unité 1236 Inserm/Université de Rennes 1/EFS, Microenvironment, cell differentiation, immunology and cancer (MICMAC), Rennes