Le cortex moteur aide à mieux entendre

Le cortex moteur et le cortex auditif travaillent de concert pour entendre un son ou une parole en environnement bruyant. L’équipe Inserm qui vient de le prouver montre que le premier identifie le rythme du son et aide le second à mieux l’entendre.

Le cortex moteur aide le système auditif à mieux entendre. C’est ce qu’a constaté une équipe Inserm en étudiant l’impact des rythmes sur la perception auditive. 

« Quand une personne est dans sa voiture et que le feu passe à l’orange, elle sait qu’elle doit s’arrêter et s’y prépare. Il y a une anticipation. La question que nous nous posions était de cet ordre-là : lorsqu’il s’agit d’audition, qu’est ce qui permet d’anticiper ce que l’on va entendre et d’en améliorer ainsi la perception ? », explique Benjamin Morillon*, co-auteur de ces travaux avec Sylvain Baillet de l’Université McGill à Montréal. « Nous savions qu’un son rythmé est mieux intégré qu’un bruit désorganisé. Par ailleurs, nous savions également que le cortex moteur est impliqué dans la perception de tous les autres sens : la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat. Il permet de faire bouger les organes sensoriels pour améliorer la perception, notamment les yeux, la langue, les doigts, ou encore la truffe chez les animaux. Il permet également de capter une temporalité, c’est-à-dire qu’il est sensible à un signal récurrent ou prévisible, et permet donc d’anticiper un évènement à venir. Par exemple, on verra mieux un objet si on sait quand il va apparaître. Nous nous sommes donc demandés si le cortex moteur pouvait aussi jouer un rôle dans le lien entre son rythmique et qualité d’écoute. Peut-il capter une certaine temporalité des sons pour augmenter la perception auditive ? Autrement dit, est-ce que le rythme sonore, le flux d’une voix, pourrait être capté par le cortex moteur pour améliorer l’écoute ? », raconte le chercheur. 

Le recours à la magnétoencéphalographie

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Pour le vérifier les scientifiques ont exposé des volontaires à différentes fréquences sonores émises à intervalles réguliers et ont enregistré leur activité cérébrale par magnétoencéphalographie, une technique qui permet de mesurer le champ magnétique très faible produit par l’activité des neurones. Cela leur a permis de constater que lorsqu’un son est émis de façon rythmique, le cortex moteur s’active et des oscillations neurales se propagent vers le cortex auditif, augmentant la perception de ce son par rapport à un bruit de fond : « Nos résultats démontrent qu’il existe une forme de perception active en audition, avec un système moteur faisant partie intégrante du traitement auditif, clarifie Benjamin Morillon. La communication entre les cortex auditifs et moteurs est indispensable à une écoute de qualité », précise-t-il. Cela signifie que lorsqu’une personne se concentre sur une voix, le cortex moteur en saisit le flux, le rythme, et que cela aide à comprendre ce qui est dit. Il capte un signal rythmique et prépare en quelque sorte le cortex auditif à entendre le son suivant. D’ailleurs ce coup de pouce du cortex moteur s’observe davantage en milieu sonore bruyant. « Quand le son est difficile à distinguer parmi d’autres, comme au cours d’une soirée animée, l’activation de cette région est importante pour aider le système auditif à entendre. A l’inverse, quand l’environnement est silencieux et que les sons sont bien distincts, cette activation ne se fait pas ou peu », explique le chercheur. 

Un intérêt clinique

Cette découverte pourrait avoir des implications cliniques pour les malentendants ou les personnes dyslexiques : « Fournir aux premiers des clés pour mieux segmenter la parole, intégrer son rythme, pourrait les aider à mieux entendre. Quant aux secondes, leur cerveau distingue mal les sons. Les faire se concentrer sur un rythme associé à ces sons pourrait les aider à mieux les intégrer. Notre collègue Daniele Schön a d’ailleurs observé que les symptômes des enfants dyslexiques diminuent quand ils font de la musique rythmique. De manière générale, agir, bouger au rythme du stimulus sonore d’intérêt, serait une clef pour mieux entendre », conclut Benjamin Morillon. 

Note

*unité 1106 Inserm/Aix-Marseille Université, Institut de neurosciences des systèmes, Marseille 

Source

B. Morillon et S. Baillet, Motor origin of temporal predictions in auditory attention. PNAS USA, édition en ligne du 2 octobre 2017