Confinement : une étude pour en évaluer les effets psychologiques

Anne Giersch, directrice du laboratoire Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie à Strasbourg, mène une étude auprès de volontaires sains, pour explorer les effets positifs et négatifs du confinement, notamment sur la santé mentale.

[Cette étude ne recrute plus de volontaires.]

Le confinement est une expérience exceptionnelle qui n’est pas sans conséquences. Plusieurs facteurs peuvent changer la façon dont nous réagissons à cette situation, positivement ou négativement. Une méta-analyse qui vient de paraître dans le Lancet montre que cette expérience peut, par exemple, avoir un impact psychologique délétère, avec des troubles de l’humeur, des confusions, voire un syndrome de stress post-traumatique. Le risque d’apparition de ces manifestations augmente avec la durée d’isolement, mais aussi avec d’autres facteurs comme les conditions de logement, la perte de revenus, l’absence d’information, ou encore l’ennui. Pour explorer ces différentes associations dans le contexte actuel en France, Anne Giersch, directrice du laboratoire Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie*, vient de lancer une enquête en population générale. 

À l’annonce des mesures de confinement en France, le 16 mars dernier, elle a décidé de monter dans l’urgence une étude pour étudier ses effets sur la santé mentale et psychique. Avec son équipe, elle a élaboré un protocole de recherche comprenant un questionnaire, puis elle a saisi le comité d’éthique de l’université de Strasbourg qui l’a validé en un temps record. Dans les heures qui ont suivi, ce questionnaire a été envoyé par mail à plus de cent personnes qui ont donné leur consentement écrit, uniquement des adultes. « Il était important d’aller vite pour capter ce moment extrêmement particulier des premiers jours du confinement, ce changement brutal des habitudes et de l’organisation, l’état d’esprit des individus », explique Anne Giersch. 

Questions et récits

Cette enquête est destinée à évaluer les conditions de confinement, l’environnement social et le bien-être mental des personnes concernées. Les questionnaires portent sur la santé en général, l’infection éventuelle par le virus, l’inquiétude face au risque d’infection, les conditions du confinement (surface du domicile, nombre de personnes sous le même toit, jardin...), le réseau social avant et pendant le confinement, l’humeur, les émotions, le niveau de stress et les perceptions. Il y a notamment des questions relatives aux angoisses, à la dépression, aux violences ou encore aux symptômes psychotiques, des sujets qui intéressent plus particulièrement ce laboratoire spécialisé en psychiatrie. « De précédents travaux ont montré que l’isolement peut participer à l’émergence d’hallucinations ou d’expériences de sortie du corps, une sensation de flotter en dehors de son corps, par exemple », explique Anne Giersch. Il est prévu d’envoyer un second questionnaire à l’ensemble des participants à l’issue du confinement, afin de suivre l’évolution des réponses. 

Il est également demandé aux participants d’écrire quotidiennement une dizaine de lignes pour relater leur expérience personnelle : les activités de la journée, les pensées, émotions... « Il s’agit de narration que nous interpréterons de façon qualitative mais aussi quantitative. Nous pouvons analyser les termes employés, le ton du récit et si ces paramètres évoluent au fil du temps », explique Anne Giersch. 

Les questionnaires sont déposés par les participants de façon anonyme sur la plateforme web de l’université de Strasbourg. « Un traitement informatisé sera développé pour analyser et interpréter les résultats qui viendront compléter les données issues d’autres laboratoires travaillant également sur ces questions. Cela pourrait aider les pouvoirs publics dans leurs décisions concernant la durée et les conditions de confinement », conclut Anne Giersch.

Confinement : une étude pour en évaluer les effets psychologiques – Interview d’Anne Giersch – 4 min 38 – avril 2020 

Note :
* unité 1114 Inserm/Université de Strasbourg