Comprendre la réponse immunitaire mémoire après le Covid-19

Notre système immunitaire garde-t-il bien la mémoire du nouveau coronavirus à l’issue d’une infection ? Cette question cruciale est au cœur des travaux conduits par Simon Fillatreau et son équipe, à l’institut Necker* à Paris. Pour y répondre, les chercheurs vont caractériser et quantifier les cellules immunitaires « mémoires » (lymphocyte B et T CD4) de patients au cours des mois qui suivent l’infection.

Beaucoup de travaux portent sur la caractérisation de la réponse immunitaire au cours de l’infection par le SARS-CoV‑2, pour identifier des marqueurs prédictifs de la guérison ou, au contraire, de l’aggravation de la maladie. Simon Fillatreau* et son équipe se concentrent quant à eux sur la réponse « mémoire », celle qui subsiste après la guérison : « Il y a peu de données sur le profil des lymphocytes B et T CD4 mémoires produits durant l’infection et sur leur persistance au cours du temps. Nous avons des informations qui émanent de l’étude du SARS-CoV responsable de l’épidémie de 2003 et du MERS-CoV. Mais ce sont des virus différents, et qui ont infecté des populations chinoises et du Moyen-Orient, génétiquement éloignées de nous. Il est donc important d’en savoir plus dans ce nouveau contexte infectieux. »

De l’infection à la mémoire immunitaire

En cas d’infection, le système immunitaire active d’abord une première ligne de défense, l’immunité innée. Celle-ci s’appuie notamment sur des cellules immunitaires capables de détruire les agents infectieux de manière non spécifique. L’immunité adaptative se met ensuite en place. Elle permet d’obtenir une réponse spécifique contre le pathogène en présence. Elle s’appuie quant à elle sur des lymphocytes B qui produisent les anticorps spécifiques de ce pathogène, ainsi que sur des lymphocytes T capables de reconnaître et de détruire les cellules qu’il a infecté. Ces cellules disparaissent à l’issue de l’infection, mais un groupe de lymphocytes B et T « mémoires » persistent dans l’organisme. En cas de nouvelle infection, ils seront immédiatement réactivés et conduiront à une réponse spécifique, rapide et efficace. 

Pour en savoir plus : 

Au cœur des organes : La mémoire immunitaire – animation pédagogique – 3 min 49 

Les lymphocytes mémoires B et T CD4 sont spécifiques d’un virus et sont réactivés en cas de rencontre ultérieure avec ce même virus. Les cellules T CD4 mémoires aident à la réactivation des cellules B mémoires qui se différencient alors en cellules productrices d’anticorps dirigés contre le virus (plasmocytes). « La question que nous nous posons est celle de la nature exacte de cette réponse mémoire chez les personnes qui ont été infectées par le SARS-CoV‑2″, résume Simon Fillatreau. 

Des réponses sur l’immunité acquise et des outils pour en savoir encore plus

Pour y répondre, le chercheur a monté le projet MEMO-COV‑2. En collaboration avec l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, il recrute une trentaine de patients hospitalisés et testés positifs pour le Covid-19. Des échantillons de sang leur sont prélevés au stade aigu de l’infection, puis 1, 3 et 6 mois après leur guérison. Les scientifiques y rechercheront les cellules B et T CD4 spécifiques du coronavirus qui ont persisté dans la circulation sanguine. « Nous savons que ces cellules sont “mémoires” dès lors qu’elles se trouvent encore dans le sang alors que le virus a disparu », explique Simon Fillatreau. Grâce à des techniques de cytométrie et de marquages protéiques, l’équipe va quantifier ces populations cellulaires au cours du temps. Elle pourra en outre les caractériser, en recherchant notamment de quels antigènes viraux elles sont spécifiques. 

« Avec ce travail, nous découvrirons si les réponses mémoires sont hétérogènes ou homogènes selon les individus, si la quantité des cellules mémoires diminue au cours du temps ou non et, si oui, à quelle vitesse. Nous acquerrons ainsi des indices sur la nature de l’immunité acquise. Par ailleurs, de façon plus générale, cela nous permettra de calibrer nos outils de travail pour étudier cette réponse, avec au moins deux avantages : si l’épidémie redémarre en septembre-octobre, nous serons immédiatement prêts à étudier les réponses mémoires des individus malades, afin d’établir cette fois des corrélations à plus grande échelle, selon l’âge des patients ou en fonction de caractéristiques particulières (comorbidités...). Deuxième intérêt de ce “calibrage”, il permettra d’étudier plus facilement la réponse mémoire induite par des candidats vaccins, et d’estimer leur efficacité sur le plan sérologique », conclut-il. 

Note :
* unité 1151 Inserm/CNRS/Université de Paris, Institut Necker – Enfants malades, équipe Immunité normale et pathologique, Paris