Comment la chirurgie bariatrique améliore le contrôle du diabète

Destinée à induire une perte de poids chez des patients atteints d’obésité sévère, la chirurgie bariatrique a un deuxième bénéfice : elle améliore le contrôle de la glycémie des patients qui souffrent également de diabète de type 2, avant même qu’ils aient maigri. Au Centre de recherche sur l’inflammation à Paris, Maude Le Gall veut comprendre pourquoi et comment. Elle vient de montrer que cette intervention chirurgicale entraîne un remodelage de l’estomac qui accroît la production d’une hormone impliquée dans la régulation de la concentration de glucose dans le sang : le GLP‑1.

La chirurgie bariatrique est une intervention lourde, indiquée en dernier recours dans le traitement de formes sévère d’obésité. Elle consiste à modifier le parcours des aliments à travers le système digestif, pour restreindre les apports caloriques et diminuer leur assimilation. Quelle que soit la technique utilisée – la sleeve gastrectomy, au cours de laquelle la majeure partie de l’estomac est retirée, ou le bypass gastrique, qui consiste à exclure une grande partie de cet organe du circuit alimentaire –, l’estomac est réduit à une petite poche qui ne peut plus contenir qu’une faible quantité d’aliments. L’intervention permet le plus souvent d’obtenir une perte de poids importante en quelques mois. 

On sait qu’un amaigrissement est associé à un meilleur contrôle glycémique en cas de diabète de type 2. Mais de manière étonnante, les personnes atteintes d’obésité et de diabète qui sont opérées voient leur glycémie s’améliorer bien avant que leur perte de poids ne soit effective. Cela signifie que la chirurgie a un effet sur la glycémie indépendant de la perte de poids. Ce phénomène intéresse beaucoup Maude Le Gall, chercheuse Inserm au Centre de recherche sur l’inflammation*, à l’hôpital Bichat. Voilà plusieurs années déjà qu’elle tente avec son équipe de découvrir les mécanismes mis en jeu. 

L’équipe vient de franchir une nouvelle étape dans ce sens, avec comme point de départ l’hormone GLP‑1. Impliquée dans le contrôle de la glycémie, cette hormone est secrétée après chaque repas. Elle stimule alors la libération d’insuline et réduit le risque de pic hyperglycémique en ralentissant le passage des aliments dans les intestins, et donc la vitesse d’absorption des nutriments dont le glucose. Chez les patients obèses opérés, cette hormone est retrouvée en quantité anormalement élevée dans le sang. Maude Le Gall et ses collaborateurs ont donc décidé d’étudier sa sécrétion dans différentes situations, chez l’animal et chez l’Homme.

Une production accrue par l’estomac

Puisque la chirurgie bariatrique repose sur l’élimination d’une partie de l’estomac, les chercheurs ont suspecté l’existence de modifications au niveau de cet organe. Alors qu’on pensait jusque-là que la sécrétion de GLP‑1 avait principalement lieu dans le côlon et l’iléon, l’équipe a constaté que des cellules qui produisent l’hormone étaient naturellement présentes dans l’estomac de rats minces, libérant l’hormone en petite quantité. Si ces rats deviennent obèses, les cellules en question perdent leur sensibilité au glucose et la production de GLP‑1 se tarit. Mais lorsqu’on retire aux animaux une partie de leur estomac, ces cellules se mettent à proliférer et redeviennent sensibles au glucose, entraînant une augmentation du taux de GLP‑1 circulant, capable d’agir au niveau gastrique. 

« Cela peut paraître paradoxal : on supprime une partie de l’estomac et curieusement les cellules productrices de GLP‑1 se mettent à nouveau à fonctionner et leur quantité augmente ! On constate en fait un remodelage de cet organe après chirurgie, une véritable reprogrammation de sa composition cellulaire. Il ré-augmente parfois de taille et, surtout, il s’enrichit en cellules productrices de GLP‑1 fonctionnelles, capables d’améliorer le contrôle de la glycémie », explique Maude Le Gall. Ces données ont été confirmées dans un second temps chez l’humain, grâce à des échantillons de tissus gastriques et intestinaux de patients des hôpitaux Bichat à Paris et Louis-Mourier à Colombes, obtenus dans le cadre d’un partenariat avec les chirurgiens et cliniciens qui assurent la prise en charge chirurgicale de l’obésité sévère. 

La prochaine étape pour l’équipe de Maude Le Gall sera de découvrir le lien biologique entre ce remodelage de l’estomac et l’intervention chirurgicale. En outre, cette découverte n’exclut pas l’existence d’autres mécanismes hypoglycémiants induits par la chirurgie. D’autres surprises restent donc peut-être à venir. 

Note :
*unité 1149 Inserm/Université de Paris, Centre de recherche sur l’inflammation (CRI), équipe Plasticité des muqueuses gastro-intestinales dans les pathologies nutritionnelles et après chirurgie (PIMS), hôpital Bichat, Paris 

Source : L Ribeiro-Parenti et coll. Bariatric surgery induces a new gastric mucosa phenotype with increased functional glucagon-like peptide-1 expressing cells. Nat Comm, édition en ligne du 4 janvier 2021, doi : 10.1038/s41467-020–20301‑1