La cigarette accélère-t-elle le déclin respiratoire chez l’ado déjà exposé au tabac in utéro ?

Chez la souris, l’exposition des femelles gestantes à la fumée de tabac favorise la réduction des capacités respiratoires des souriceaux à naître. Lorsque ces derniers sont une nouvelle fois exposés juste après leur puberté, le cocktail apparaît explosif et la diminution de leur fonction respiratoire plus forte qu’attendue. Si les données obtenues chez l’animal sont transposables à l’homme, elles invitent à renforcer les messages de prévention pour les enfants concernés.

Une souris exposée au tabac peu après la puberté présente des altérations fonctionnelles respiratoires d’autant plus importantes qu’elle a déjà été exposée au tabac in utéro. Transposées à l’homme, ces données suggèrent qu’il existerait un effet synergique entre les dégâts causés par le tabac in utéro et ceux liés au tabagisme à l’adolescence… avec des conséquences importantes pour le devenir de la fonction respiratoire : à terme, l’évolution potentielle vers la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), première maladie respiratoire chronique des fumeurs, pourrait être facilitée. 

Pour arriver à ces conclusions, une équipe Inserm francilienne a conduit des expérimentations sur deux groupes de souris gestantes : l’un était exposé à une atmosphère normale, l’autre était exposé à la fumée du tabac, selon une durée et une intensité définie. Les souriceaux nés dans chacun des deux groupes étaient à leur tour divisés en deux, et exposés ou non à la fumée de tabac après leur puberté (J21 à J49 après la naissance). La comparaison des quatre groupes de souriceaux a permis de préciser si le déclin de la fonction respiratoire était plus rapide lorsque le tabagisme actif à l’adolescence avait lieu chez des animaux aux capacités pulmonaires déjà altérées. 

Première observation : après une exposition prénatale au tabac, les poumons des souriceaux étaient à la fois moins aptes à se distendre à l’inspiration et moins aptes à reprendre leur forme à l’expiration. Second constat : chez les souris âgées de 21 à 49 jours, le tabac provoquait des altérations de la fonction respiratoire. Elles étaient cependant bien moindres dans le groupe des animaux non exposés in utéro, comparativement aux autres. Transposés à l’homme, ces résultats suggèrent que, pour un tabagisme équivalent, l’adolescent a une baisse de ses fonctions respiratoires d’autant plus intense qu’il a déjà subi une altération de ses capacités respiratoires avant sa naissance. 

Le précieux capital respiratoire de l’adolescence

Christophe Delacourt*, qui a encadré ces travaux, explique : « Le capital respiratoire est défini à la naissance. Dès lors, nous suivons un couloir d’évolution de nos capacités pulmonaires, qui croît jusqu’à la fin de l’adolescence et qui décroit ensuite tout au long de la vie « . Aussi, toute altération prénatale ou dans l’enfance va être déterminante pour le devenir respiratoire. Et un capital initial bas à la naissance ou à la fin de l’adolescence sera prédictif d’une évolution plus probable vers la BPCO. « Cette maladie touche le plus souvent les fumeurs, mais une partie des personnes qui sont touchées n’ont jamais consommé de tabac, ce qui démontre l’existence de facteurs de susceptibilité individuels et de facteurs de risque environnementaux » insiste-t-il. 

Reste à en déterminer tous les ressorts. « Dans cette étude, nous avons étudié l’expression des principaux gènes habituellement impliqués dans la sénescence des tissus, et donc leur vieillissement accéléré, favorisant la perte des fonctions respiratoires, décrit le chercheur. Cette hypothèse était logique, suite à l’agression oxydante des cellules du tissu pulmonaire, mais elle ne se vérifie pas. Nous allons donc conduire de nouveaux travaux pour savoir quels autres mécanismes peuvent être impliqué : il pourrait par exemple s’agir d’une perturbation par le tabac de la régénération des cellules pulmonaires ».

En attendant les résultats de ces nouvelles investigations, « cette étude a une traduction immédiate en termes de santé publique : elle démontre l’importance de redoubler les messages de prévention auprès des jeunes populations, et notamment celles connues pour avoir subi une perte précoce de leur capital respiratoire : les enfants nés de mères ayant fumé durant la grossesse, mais aussi ceux qui ont une capacité respiratoire réduite, comme les grands prématurés ».

Note

* unité 955 Inserm/Université Paris Est Créteil Val de Marne, Institut Mondor de recherche biomédicale, Créteil 

Source

D Drummond et coll. Combined Effects of in Utero and Adolescent Tobacco Smoke Exposure on Lung Function in C57B1/6J Mice. Environ Health Perspect. In press. DOI : 10.1289/EHP54