Certaines formes du syndrome de Cushing mieux comprises

Le syndrome de Cushing et plus particulièrement une forme rare de cette maladie, l’hyperplasie macronodulaire des surrénales, fait l’objet d’intenses et fructueuses recherches : deux équipes Inserm viennent d’identifier coup sur coup le mécanisme physiopathologique de la maladie et un gène responsable de la moitié des cas.

Le syndrome de Cushing a beau concerner seulement une à cinq personnes sur un million, il fait l’objet d’une recherche hyperactive ! Deux publications parues simultanément dans le New England Journal of Medicine en témoignent : des chercheurs de l’Inserm y rapportent l’identification du mécanisme physiopathologique de l’hyperplasie macronodulaire des surrénales, un sous-type de la maladie secondaire à des tumeurs affectant des deux glandes surrénales, et celle d’un gène responsable de la moitié des cas. 

Rareté parmi la rareté

L’hyperplasie macronodulaire des surrénales est « une forme rare parmi la rareté, comme l’explique le Pr Hervé Lefebvre, co-auteur d’une des deux études. Les glandes surrénales qui produisent le cortisol développent de multiples nodules qui secrètent cette hormone en excès, de façon autonome, indépendamment du contrôle normalement exercé par l’hypophyse ».

Le syndrome de Cushing est en effet caractérisé par une hyperproduction de cortisol par les glandes surrénales, situées au-dessus des reins. Dans la plupart des cas, cette dérégulation est liée à un dysfonctionnement de l’hypophyse, une glande localisée dans le cerveau. Elle produit une hormone, l’ACTH, qui contrôle la production de cortisol en stimulant les glandes surrénales. Si l’ACTH se retrouve en excès, le cortisol l’est aussi. C’est ce qui se produit chez presque tous les patients atteints de ce syndrome, sauf chez ceux qui présentent une hyperplasie macronodulaire des surrénales. 

Les manifestations du syndrome de Cushing

L’hypersécrétion de cortisol qui caractérise le syndrome de Cushing a de nombreuses conséquences. Cette hormone régule en effet beaucoup de fonctions comme le métabolisme glucidique et lipidique, le renouvellement des protéines, la pression artérielle ou encore le système immunitaire. De fait, son excès entraine de nombreux troubles : obésité au niveau du visage et du tronc, diabète, fonte musculaire et ostéoporose, hypertension artérielle, affaiblissement des défenses immunitaires ou encore troubles de l’humeur. La maladie est souvent diagnostiquée assez tardivement, autour de 45–60 ans quand les premiers symptômes sont déjà manifestes. Lorsque le syndrome est d’origine hypophysaire, le traitement relève souvent d’un acte chirurgical sur l’hypophyse.

Un travail collectif

Cette curiosité intriguait le Pr Hervé Lefebvre, responsable d’une équipe de l’unité Inserm 982 à Rouen, qui collabore avec l’Institut de recherche et d’innovation biomédicale. A tel point qu’en 2010, le chercheur a obtenu un financement auprès de l’Agence nationale de recherche pour étudier cette pathologie rarissime, en collaboration avec les équipes du Pr Jérôme Bertherat de l’Institut Cochin à Paris (Inserm 1016) et celle du Dr Mickael Thomas à Grenoble (Inserm U1036). Pour lancer leurs travaux, les scientifiques se sont appuyé sur le réseau COMETE (Cortico-MEdullo Tumeur Endocrines) qui réunit depuis 20 ans des services cliniques français prenant en charge les tumeurs de la surrénale. Ce réseau permet aux chercheurs d’avoir accès à d’une banque d’échantillons biologiques et de données cliniques. 

C’est cet outil extrêmement précieux a permis à l’équipe de Rouen de découvrir la raison de la production autonome de cortisol par les surrénales : « Certaines cellules des deux glandes synthétisent en fait elles-mêmes de l’ACTH qui stimule la production locale de cortisol. Cela est dû à l’expression d’un phénotype gonadique qui leur confère cette capacité nouvelle », explique Hervé Lefebvre. Ce constat l’amène à penser qu’il s’agirait d’une maladie survenant au cours du développement précoce. « Les cellules des surrénales et les cellules gonadiques proviennent d’un même tissu souche. Il se pourrait qu’un défaut d’orientation entraine la présence de cellules gonadiques capables de produire de l’ACTH au sein des glandes surrénales, avec des manifestations tardives, plusieurs années après », explique le chercheur. 

En parallèle, l’équipe de l’Institut et Hôpital Cochin s’est penchée sur l’aspect génétique de la maladie. Elle a identifié un gène dont une forme particulière est associé à la moitié des cas de patients opérés pour une hyperplasie macronodulaire des surrénales : le gène ARMC5. « Le produit de ce gène et impliqué dans la mort cellulaire, mais nous cherchons encore sa fonction exacte pour comprendre les mécanismes en causes. En attendant, cette découverte suggère une transmission familiale que nous devrions confirmer grâce au dépistage de la maladie dans les familles de patients », explique le Pr Jérôme Bertherat. Détecter ces cas permettrait une prise en charge plus précoce de la maladie, avant la survenue des symptômes. Les chercheurs tentent également d’identifier d’autres gènes responsables des cas restants. « Cette maladie rare peut servir de modèle pour comprendre le développement d’autres tumeurs endocrines », précise le chercheur. 

Un traitement commun à tous les patients

A terme, les trois équipes espèrent découvrir ensemble un mécanisme de régulation commun à tous les patients atteints d’hyperplasie macronodulaire des surrénales, afin de développer un médicament efficace indépendamment de l’anomalie génétique en cause. « Cela éviterait le traitement chirurgical actuel qui consiste à enlever une des deux glandes surrénales pour limiter l’hypersécrétion de cortisol » conclut Hervé Lefebvre. 

Sources

E. Louiset et coll. Intraadrenal Corticotropin in Bilateral Macronodular Adrenal Hyperplasia. New England Journal of Medicine, 2013, 369, 22 : 2115–2125.

G. Assié et coll. ARMC5 Mutations in Macronodular Adrenal Hyperplasia with Cushing’s Syndrome. New England Journal of Medicine, 2013, 369, 22 : 2103–2112.