AccueilActualitéScienceCancer des voies biliaires : rendre la tumeur plus perméable aux traitements anticancéreuxCancer des voies biliaires : rendre la tumeur plus perméable aux traitements anticancéreux Publié le : 08/12/2025 Temps de lecture : 4 min Actualité, ScienceChez les patients atteints de cholangiocarcinome, un cancer des voies biliaires de mauvais pronostic, l’immunothérapie fonctionne mal car leurs cellules immunitaires ne réussissent pas à pénétrer la structure fibreuse de la tumeur. Mais en échauffant des nanoparticules métalliques délivrées localement, des chercheurs ont pu créer des brèches physiques au sein de cette barrière : une stratégie qui permet au traitement et aux défenses immunitaires de s’y engouffrer pour attaquer les cellules cancéreuses.Le cholangiocarcinome est un cancer des voies biliaires qui touche environ 2 000 personnes chaque année en France. Il est associé à un pronostic sombre, avec moins de 20 % des patients toujours en vie cinq ans après le diagnostic. Cette évolution défavorable s’explique par la composition même de la tumeur : rigide et fibreuse, elle est peu perméable aux traitements médicamenteux les plus performants, notamment aux immunothérapies, des biothérapies qui stimulent l’immunité antitumorale des patients. En effet, « le cholangiocarcinome détourne de leurs fonctions normales des cellules présentes dans son environnement immédiats, explique Mirko Minini, chercheur à l’Inserm dans l’unité Nanomédecine, biologie extracellulaire, intégratome et innovations en santé (Nabi) à Paris. Nommées fibroblastes, ces cellules se mettent alors à produire du collagène en excès et à sécréter des facteurs immunosuppresseurs. » La tumeur se pare ainsi progressivement d’une barrière physique et biologique qui rend inopérants les lymphocytes T cytotoxiques – principaux effecteurs de l’immunité antitumorale – et les immunothérapies qui visent à renforcer l’activité de ces derniers.Créer des brèches dans le maillage biologiquePour contrer ce problème, le chercheur et son équipe se sont inspirés d’une approche développée dans le cancer du pancréas, lui aussi caractérisé par une structure fibreuse imperméable : l’idée consiste à rendre poreuse cette matrice extracellulaire. « Concrètement, il s’agit d’injecter directement dans la tumeur des nanoparticules constituées d’oxyde de fer et d’or. Celles-ci agissent comme des transducteurs thermiques : lorsqu’elles sont activées par un laser externe, elles provoquent un léger échauffement local qui ramollit et crée des trous dans la matrice de collagène. La tumeur devient dès lors davantage perméable aux traitements. » Parallèlement, l’administration d’une immunothérapie (il s’agit ici d’un anticorps anti-PD‑1) permet de stimuler les cellules immunitaires cytotoxiques, qui peuvent plus facilement pénétrer la tumeur et agir contre les cellules cancéreuses.En collaboration avec plusieurs équipes de recherche, Mirko Minini a apporté la preuve de concept de cette stratégie chez la souris. Il a comparé la façon dont les nanoparticules échauffées, combinées à l’anticorps anti-PD‑1, améliorent la réponse biologique, histologique et immunologique par rapport à l’immunothérapie administrée seule. Lorsque les deux traitements étaient associés, la tumeur devenait plus élastique et les marqueurs de fibrose, notamment le collagène, étaient moins élevés. « L’un des concepts centraux de l’immunothérapie est la distinction entre les tumeurs dites « froides », qui sont pauvres en cellules immunitaires actives, et les tumeurs dites « chaudes », qui sont infiltrées par des lymphocytes T cytotoxiques », précise Laura Fouassier, chercheuse Inserm et codirectrice de l’unité Nabi. Le traitement combiné a permis de faire passer le cholangiocarcinome de la première catégorie à la seconde : « L’activité des voies biologiques qui permettent de lutter contre les cellules cancéreuses étaient nettement augmentées au sein de la tumeur, avec des lymphocytes antitumoraux (CD8 et natural killer) beaucoup plus nombreux. À l’inverse, les lymphocytes en charge de modérer l’activité antitumorale y étaient beaucoup plus rares. » Chez la souris, l’approche a réduit le volume et le poids de la tumeur.Un développement à poursuivreAvant d’envisager l’utilisation de ce traitement chez l’humain, plusieurs étapes devront être franchies. La première consistera à vérifier qu’il est bien toléré : les données obtenues jusqu’à présent sont rassurantes, d’autant que le mode d’administration utilisé ici permet de délivrer la quasi-totalité des nanoparticules au sein de la tumeur. « Il faudra cependant en valider la tolérance après une administration intraveineuse, plus facile à mettre en œuvre en clinique », rapporte Mirko Minini. L’utilisation d’un champ magnétique, à l’image de celui mis en œuvre dans une imagerie IRM, pourrait en outre remplacer celle du laser, plus complexe sur une tumeur aussi profonde que le cholangiocarcinome. Dans tous les cas, la durée d’échauffement devra être parfaitement établie : « La température doit être suffisante pour créer des brèches dans la matrice de collagène qui protège la tumeur. Mais elle ne doit pas être trop élevée pour éviter, d’une part de détruire le tissu sain, et d’autre part de libérer les cellules cancéreuses qui pourraient alors migrer et former des métastases », insiste Laura Fouassier. Enfin, les chercheurs veulent évaluer si d’autres immunothérapies que les anticorps anti-PD‑1 pourraient être encore plus efficaces. « Nous sommes en train de mener des expérimentations avec des cellules CAR‑T (Chimeric Antigenic Receptor T), des lymphocytes T prélevés aux patients et modifiés en laboratoire pour cibler spécifiquement les cellules cancéreuses. »En attendant de nouveaux résultats, cette stratégie constitue aussi une piste à explorer pour améliorer le traitement d’autres tumeurs caractérisées par une forte densité en fibroblastes, en matrice extracellulaire et en collagène, traditionnellement peu répondeuses à l’immunothérapie.Mirko Minini est chercheur dans l’équipe de Laura Fouassier codirectrice de l’unité Nanomédecine, biologie extracellulaire, intégratome et innovations en santé (Nabi, unité 1334 Inserm/CNRS/Université Paris-Cité) à Paris.Source : M. Minini et coll. Laser-activated nanoparticles rewire tumor microenvironment enhancing PD‑1 blockade and T cell response in cholangiocarcinoma. Hepatology, 2 octobre 2025 ; DOI :10.1097/HEP.0000000000001545Autrice : C.GÀ lire aussi Cancer du pancréas : une piste pour lutter contre l’apparition de métastasesActualité, Science Immunothérapie des cancersDepuis 2010, l’immunothérapie connaît un essor phénoménal dans le domaine du cancer. Au lieu…