Benzodiazépines : trop de patients à risque d’effets indésirables

En 2013, près de la moitié des utilisateurs de benzodiazépines se trouvaient dans une situation augmentant le risque de survenue d’effets indésirables associés à cette classe de médicament : soit ils prenaient d’autres médicaments qui ne font pas bon ménage avec les benzodiazépines, soit ils présentaient des problèmes de santé nécessitant des précautions d’emploi, voire contre-indiquant l’utilisation des benzodiazépines.

Interactions médicamenteuses, problèmes respiratoires… : Certaines situations augmentent le risque d’effets indésirables des benzodiazépines, en particulier le risque de troubles respiratoires et de la vigilance, mais aussi celui de chutes et de fractures. Or, une étude réalisée par une équipe Inserm* dans le cadre de la plateforme de pharmaco-épidémiologie DRUGS-SAFE, financée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), vient de mettre en évidence que près de la moitié des utilisateurs sont dans (au moins) une de ces situations. Compte-tenu de la fréquence d’utilisation de ces médicaments en France, ce constat interpelle. 

Les benzodiazépines sont des médicaments psychotropes qui agissent au niveau du cerveau et possèdent notamment des propriétés anxiolytiques et hypnotiques. Ces médicaments font l’objet d’une surveillance renforcée car leur usage prolongé expose à un risque de tolérance pharmacologique, ainsi qu’à celui de dépendance psychique et physique pouvant se manifester par un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement. En outre, les benzodiazépines ne sont pas dénuées d’effets indésirables : ils peuvent entrainer des troubles de la vigilance, allant de la simple somnolence à la sédation profonde, avec notamment un risque accru de chute chez les personnes âgées. Ces médicaments peuvent également conduire à la survenue d’une détresse respiratoire qui se manifeste par une impossibilité de respirer normalement. 

Des médicaments sous surveillance

L’ANSM suit de près l’utilisation de ces médicaments afin de développer des mesures permettant d’en limiter l’utilisation. Dans ce cadre, elle a demandé aux chercheurs de réaliser un rapport à partir des données de remboursement de soins de l’Assurance maladie. Ce travail a permis de s’intéresser au profil des utilisateurs de benzodiazépines, notamment à leurs facteurs de risque d’effets indésirables. « Nous savons que la prise d’autres médicaments, parmi ceux agissant également sur le système nerveux central avec un effet sédatif, peut accroitre le risque de sédation, de chute et d’insuffisance respiratoire. Il en va de même avec certaines comorbidités, comme des problèmes respiratoires ou de mobilité. Nous avons donc recherché ces différents facteurs de risque chez les utilisateurs », précise Anne Bénard, l’un des auteurs de ces travaux. 

En premier lieu, leur analyse confirme la très forte consommation de ces médicaments en population générale, avec 13,8% des patients ayant fait l’objet d’au moins un remboursement en 2013. Les femmes sont de loin les plus concernées et la fréquence d’utilisation augmente avec l’âge. Ainsi, passé 80 ans, pratiquement deux femmes sur cinq ont bénéficié d’au moins un remboursement d’une benzodiazépine dans l’année !

De nombreuses contre-indications

Mais les auteurs ont surtout constaté que près de la moitié des utilisateurs présentait un facteur de risque d’effet indésirable au moment de la prescription : interactions médicamenteuses à risque (40% des utilisateurs concernés), notamment avec des opiacés antalgiques ou antitussifs, problèmes respiratoires comme l’asthme, une bronchopneumopathie chronique obstructive ou une insuffisance respiratoire (11% des utilisateurs) ou encore des comorbidités augmentant le risque de chutes et de fractures (7%).

Pour Anne Bénard, « ces chiffres sont inquiétants étant donné le nombre important de sujets traités par benzodiazépines en France, en particulier parmi les sujets âgés chez lesquels le risque d’effets indésirables de ces médicaments est majoré. Les interactions médicamenteuses potentielles, situation la plus fréquemment rencontrée, figurent pourtant dans les notices d’utilisation et devraient donc être limitées aux cas où d’autres alternatives n’existent pas ».

Se pose alors la question de la justification de toutes ces prescriptions de benzodiazépines : « Sur ce point, nos données ne permettent pas de répondre, l’indication exacte du traitement n’étant pas connue. Mais de précédents travaux ont déjà mis en évidence un mésusage de ces médicaments et des durées d’utilisation inadéquates », rappelle-t-elle. Pourtant, il existe des alternatives thérapeutiques : « les antidépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont actuellement recommandés en première intention dans le traitement des troubles anxieux. Les benzodiazépines devraient être réservées au traitement symptomatique des manifestations anxieuses. Par ailleurs, leur place dans le traitement des troubles sévères du sommeil est questionnée, comme l’a récemment rappelé la Haute autorité de santé », conclut-elle.

Note

* équipe Médicament et santé des populations, unité 1219 Inserm/université de Bordeaux 

Source 

A Benard-Laribiere et coll. Comorbidities and concurrent medications increasing the risk of adverse drug reactions : prevalence in French benzodiazepine users. Eur J Clin Pharmacol, édition en ligne du 29 mars 2016