Antibiorésistance : un programme prioritaire de recherche piloté par l’Inserm

« Accroître les moyens donnés à la recherche aujourd’hui, c’est réduire l’antibiorésistance demain » : tel est le mot d’ordre du programme prioritaire de recherche national (PPR) Antibiorésistance, financé par le troisième programme d’investissements d’avenir et dont le pilotage scientifique a été confié à l’Inserm. Alors que le plan d’action a été remis ce jour par Gilles Bloch à la Ministre l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, rencontre avec Evelyne Jouvin-Marche, coordinatrice scientifique du programme.

Un article à retrouver dans le n°45 du magazine de l’Inserm

Dans quel cadre s’inscrit le PPR Antibiorésistance ?

Evelyne Jouvin-Marche : Les programmes d’investissements d’avenir de l’État sont dédiés à des projets de recherche ciblés qui permettent de construire et de consolider le positionnement de la recherche française au niveau international, dans des domaines dont il est démontré que l’impact socio-économique pour le pays pourrait être important. Ces programmes sont le fruit d’échanges et d’accords entre le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de la Direction générale de la recherche et de l’innovation, de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et du Secrétariat général pour l’investissement. Le PPR Antibiorésistance est financé à hauteur de 40 millions d’euros.

Quels sont les défis scientifiques auxquels le PPR souhaite répondre ?

E. J.-M. : Ses défis sont nombreux, pluridisciplinaires, et s’appuient sur un consensus scientifique : la diffusion de bactéries devenues résistantes entre espèces animales, humains et leur environnement est un facteur essentiel de la propagation des résistances aux antibiotiques. Ce phénomène impose d’élaborer des stratégies de lutte qui ne dissocient pas l’Homme de son environnement. Le PPR antibiorésistance a ainsi pour objectif de mettre en œuvre des initiatives de recherche qui visent à réduire la consommation d’antibiotiques chez l’Homme et à inverser la courbe des résistances. 

Comment l’Inserm a‑t-il procédé pour proposer un plan d’action ?

E. J.-M. : l’Inserm a piloté un conseil scientifique interdisciplinaire lequel a établi une cartographie des forces françaises sur la thématique de l’antibiorésistance. Ce sont également plus de 6 000 publications sur les 5 dernières années, dont la moitié produites avec des équipes internationales, qui ont été analysées. Cette démarche s’est inscrite dans le respect des champs d’expertise définis par l’OMS, en particulier celui des agents pathogènes prioritaires contre lesquels il est urgent d’avoir de nouveaux antibiotiques. 

Quelles en sont les grandes lignes ?

E. J.-M. : Le plan se découpe en quatre axes. Le premier s’intéresse à la résistance elle-même et à la manière dont elle se transmet. Le deuxième explore de nouvelles stratégies thérapeutiques. Le troisième axe porte sur les innovations technologiques, en particulier le big data et l’intelligence artificielle, qui pourraient être utilisées dans la lutte contre l’antibiorésistance. Enfin, la pluridisciplinarité est au cœur du dernier axe qui cherche à comprendre les enjeux en santé publique, sociaux, psychosociaux, économiques, juridiques mais aussi culturels au sens large. 

Et quelles seront les principales actions financées par le PPR ?

E. J.-M. : La première est le développement et la création de plateformes, réseaux et observatoires dédiés à l’antibiorésistance. Il s’agira également de renforcer des équipes de recherche par des challenges scientifiques sous forme d’appels à manifestation d’intérêt ou d’appels à projet interdisciplinaires et par des moyens humains. Enfin, l’animation du réseau de recherche national et la coordination d’un réseau de recherche sur l’antibiorésistance pour les pays aux ressources limitées est au cœur du dernier volet. Ces actions s’ouvriront dans le cadre d’un appel national, dont les conditions de lancement, d’éligibilité et de sélection seront définies par l’ANR.