Alzheimer : Le virus de l’herpès pourrait-il être impliqué dans sa survenue ?

L’hypothèse est en tout cas renforcée par les données issues de la cohorte française des Trois Cités (3C). Une réactivation du virus de l’herpès HSV1 y est en effet associée à un risque ultérieur de développer la maladie deux à trois fois supérieur chez les personnes à risque génétique.

Depuis une vingtaine d’années, les travaux cherchant à comprendre l’origine de la maladie d’Alzheimer se focalisent largement sur la responsabilité de la protéine bêta-amyloïde dont les dépôts apparaissent précocement dans l’histoire de la pathologie. Cependant, il semble de plus en plus évident que ce phénomène n’est pas l’élément déclencheur, ou en tout cas qu’il n’en est pas le déclencheur unique. En témoigne l’échec de la plupart des essais cliniques ayant tenté de contrer la constitution des dépôts amyloïdes. 

L’étiologie infectieuse est moins largement étudiée. Pourtant, plusieurs arguments sont en faveur de l’hypothèse : les dépôts de protéine bêta-amyloïde pourraient être une réponse de l’organisme à une infection, et certains gènes prédisposant à la maladie d’Alzheimer semblent également jouer un rôle dans la réponse antivirale. Parmi les virus potentiellement incriminés, le virus de l’herpès (HSV1) focalise l’attention. « Ce virus neurotrope persiste de façon latente dans l’organisme après une infection initiale, explique Catherine Helmer*. De plus, il a été mis en évidence au niveau des lésions cérébrales associées à la démence dans des modèles animaux ». Il y a quelques années, son équipe décrivait que l’infection à HSV1 semblait être un facteur de risque de maladie d’Alzheimer au sein de la cohorte Paquid, conçue pour étudier des sujets âgés issus de la population générale. Afin de renforcer ce premier constat, elle a étudié de façon prospective le lien entre ce virus et la maladie dans une autre population de personnes âgées, en évaluant si des personnes présentant une infection latente ou une réactivation du virus avaient un sur-risque ultérieur de développer une démence (quelle qu’en soit la cause) ou une maladie d’Alzheimer.

Une interaction gène-virus probable

Pour conduire cette étude, les chercheurs ont utilisé les données bordelaises de la cohorte 3C, qui a recruté dès le début des années 2000 près de 10 000 participants âgés de 65 ans ou plus, dans trois villes de France (Bordeaux, Dijon et Montpellier) ; depuis, ces participants ont été suivis tous les deux ou trois ans. Les prélèvements sanguins réalisés chez 1 258 participants ont servi de base à ce travail : l’équipe a mesuré les taux d’anticorps spécifiques de l’HSV1 au début de l’étude, afin d’identifier les participants infectés (dosage des immunoglobulines IgG) et, parmi eux, ceux présentant une réactivation de l’infection (dosage des IgM). À l’issue du suivi de 10 ans, 19,7% avaient développé une démence. 

Aucune association n’a été retrouvée entre le fait d’être infecté ou de présenter des réactivations du virus et le fait de développer une maladie d’Alzheimer. En revanche, le résultat de cette même analyse est différent lorsque sont uniquement considérés les porteurs de l’allèle epsilon 4 du gène de l’apolipoprotéine E (APOE), connu pour augmenter le risque de maladie d’Alzheimer. En effet, chez ces personnes à risque génétique, la présence d’IgM anti-HSV1 ou le fait de présenter un taux élevé d’IgG dirigé contre ce virus est associé à un risque de maladie d’Alzheimer multiplié par 3 à 4 par rapport aux personnes non infectées. 

Plusieurs mécanismes pourraient expliquer que l’association soit retrouvée uniquement chez les porteurs de cette prédisposition génétique : le virus pourrait par exemple pénétrer plus facilement dans les cellules neuronales des porteurs de l’allèle ApoE4, pour y avoir des effets délétères. Il est aussi possible que ces derniers aient une capacité moindre à réparer les lésions induites par le virus. Les investigations ne sont donc pas terminées. « Il est nécessaire de continuer à étudier les liens entre HSV1 et maladie d’Alzheimer, en évaluant par exemple si les personnes infectées par le virus présentent plus de lésions à l’imagerie cérébrale, selon qu’elles sont ou non porteuses de l’allèle APOE4, ou en évaluant le rôle d’autres facteurs génétiques à risque ». Cette étude d’association doit désormais ouvrir sur des études de causalité. C’est la condition sine qua none pour envisager ensuite des débouchés thérapeutiques : si le rôle du virus est confirmé, des études d’intervention préventive utilisant des antiviraux spécifiques pourraient être envisagées… 

Note :
* unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux, Centre de recherche Bordeaux Population Health, équipe Expositions vie entière, santé, vieillissement

Source : Linard M et coll. Interaction between APOE4 and herpes simplex virus type 1 in Alzheimer’s disease. Alzheimer & Dementia du 8 janvier 2020, DOI:10.1002/alz.12008