Allergies : quand les acariens s’invitent à la table des nourrissons

Lutter contre la présence des acariens dans l’environnement pourrait ne pas suffire à prévenir le développement d’une allergie durant l’enfance… Des chercheurs viennent de montrer que les allergènes d’acariens pouvaient être présents dans le lait maternel et favoriser la sensibilisation des enfants.

Afin de prévenir une sensibilisation, on recommande habituellement l’éviction maximale des acariens dans l’environnement des enfants au cours de leurs premières années de vie, a fortiori chez les enfants à risque (antécédents familiaux d’allergie). Pourtant, ces mesures ne suffisent pas à limiter le développement des allergies respiratoires déclenchées par ces arachnides microscopiques. Et pour cause : un travail conduit à partir des données de la cohorte EDEN vient de montrer que les allergènes d’acariens pouvaient être présents dans le lait des mères allaitantes et favoriser l’apparition d’asthme ou de rhinite allergique chez leurs enfants.

Isabella Annesi-Maesano* a dirigé ce travail sur le plan épidémiologique. « Dans cette étude, conduite chez 255 femmes, nous avons recherché la présence et dosé Der p1. Il s’agit d’un allergène émanant du principal acarien domestique Dermatophagoides pteronyssinus » décrit-elle. Le lait de 2/3 d’entre de ses mères contenait bien Der p1, dans des quantités similaires à celles que l’on trouve habituellement dans le lait maternel pour les allergènes alimentaires les plus communs. Les chercheurs ont ensuite évalué l’incidence de l’asthme ou de la rhinite allergique chez leurs enfants. « A l’âge de cinq ans, les enfants nés de mères ayant un terrain allergique et un taux élevé d’allergènes dans leur lait souffraient plus souvent d’asthme et de rhinite que les autres. Ce qui tend à prouver que les allergènes respiratoires pourraient non seulement sensibiliser les enfants par voie aérienne, mais aussi par voie orale » conclut la chercheuse. 

EDEN, plus de 10 ans d’enquête sur les déterminants pré- et post-natals précoces du développement et de la santé de l’enfant

Mise en place en 2003, la cohorte EDEN (« Etude sur les déterminants pré- et post-natals précoces du développement et de la santé de l’enfant ») réunit 2 000 femmes enceintes et leurs enfants : « Son objectif principal est de mieux établir l’importance des déterminants précoces sur la santé » explique Isabella Annesi-Maesano. Les chercheurs étudient en particulier l’influence d’évènements ou d’exposition au cours de la vie in utero ou des premiers mois de vie.
Pour en savoir plus consulter le site de l’étude

Le présent travail, qui vient d’être publié dans Journal of Allergy and Clinical Immunology permet de poser la question de la protection réputée du lait maternel vis-à-vis des allergies : « Cette étude confirme que cet effet protecteur ne suffit pas à prévenir toutes les allergies. Notre conclusion est surprenante, d’autant plus que d’autres travaux ont montré que les allergènes alimentaires présents dans le lait réduisent le risque d’une allergie alimentaire chez l’enfant ». Cette apparente contradiction pourrait être liée à la façon dont l’allergène est traité par le système immunitaire du nourrisson, et/ou à la présence d’autres composés issus des acariens dans le lait. 

Mais tout ceci devra être confirmé par de nouveaux travaux, et à travers une étude plus vaste aujourd’hui en cours. Cela permettra, grâce à des données issues de différentes régions du globe, de confirmer l’universalité de ces premières données. 

Note

* Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (IPLESP), unité 1136 Inserm/UPMC, Paris.

Source

Baïz N et collEarly oral exposure to house dust mite allergen through breast milk : a potential risk factor for allergic sensitization and respiratory allergies in children. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 2016https://dx.doi.org/10.1016/j.jaci.2016.07.021