Un algorithme informatique au service des ophtalmologues

Pour aider les professionnels à repérer automatiquement toutes les anomalies sur des clichés de la rétine de leurs patients, mêmes rares ou débutantes, des chercheurs ont développé un algorithme qui repose sur la fouille de données.

Le fond d’œil est l’examen ophtalmologique indispensable pour identifier les anomalies de la rétine (DMLA, rétinopathie diabétique, glaucome...). Au cours de cet examen, l’ophtalmologue prend un certain nombre de clichés, les lit, et établit son diagnostic. Pour aider l’interprétation de ces images, et notamment faciliter l’identification d’anomalies rares ou débutantes, le laboratoire de Traitement de l’information médicale (LaTIM)* a mis au point un nouvel algorithme. Il permet de rechercher toutes les anomalies possibles sur l’ensemble de la rétine d’un patient.

Gwenolé Quellec, qui a conduit ces travaux, explique : « il existe déjà quelques algorithmes en ophtalmologie. Mais ils se concentrent sur la recherche d’une seule atteinte de la rétine, comme la rétinopathie diabétique par exemple ». Celui qu’a développé son laboratoire est original en plusieurs points : « il utilise la fouille de données, ou data mining. Cette technique, généralement employée pour l’analyse de textes, est ici adaptée pour exploiter des images : elle est utilisée pour entraîner l’algorithme à reconnaître les anomalies. L’apprentissage s’appuie uniquement sur des archives médicales issues d’une pratique clinique courante : l’avantage est que les médecins n’ont pas besoin de nous décrire les signes pathologiques à rechercher sur les clichés. Notre approche permet aussi de concentrer l’analyse sur des niveaux plus subtils que les seuls contours des anomalies, à savoir sur l’aspect et la texture de ces dernières ». Elle permet enfin de recouper le contenu numérique du cliché avec le contexte clinique du patient – âge, sexe, comorbidités…- pour affiner l’analyse. 

Un outil auto-apprenant

L’outil informatique a été mis au point à partir d’une base de données constituée par l’AP-HP dans le cadre du dépistage ciblé des rétinopathies diabétiques (réseau Ophdiat). Cette base contient plus de cent mille clichés que les chercheurs ont utilisés pour moitié dans la construction de l’outil, et pour moitié afin de le tester. « Concrètement, nous avons construit un algorithme d’apprentissage multi-instance (MIL) capable de combiner le contenu de l’image et le contenu du dossier médical d’un même patient, tout en séparant ceux qui avaient été diagnostiqués avec une pathologie rétinienne et les autres. Il a comparé les clichés normaux et anormaux pour repérer les zones d’intérêt et la nature visuelle des lésions. Il a ensuite croisé ces images au diagnostic porté par le médecin dans le dossier patient pour construire la base de l’outil ».

Ce travail fait notamment l’objet d’un brevet déposé par Inserm Transfert dans la perspective d’un usage clinique. Plusieurs pistes se dessinent pour le rendre accessible aux professionnels : celui d’un logiciel qui viendrait s’articuler avec ceux que ces derniers utilisent habituellement ou celui d’un webservice. « Outre l’utilisation par les ophtalmologues, on peut imaginer que cet outil pourrait favoriser le lancement de campagnes de dépistages systématiques de pathologies rétiniennes, des maladies souvent négligées et causes fréquentes de cécité. Dans ce cas, il serait couplé à un appareil portable d’acquisition de fond d’œil. Il serait utilisé par des professionnels formés, comme les orthoptistes, qui adresseraient les patients à l’ophtalmologue dès que la rétine serait considérée comme anormal par l’algorithme ».

Note

*unité 1101 Inserm/Université de Bretagne Occidentale/Telecom Bretagne, intégré à la Structure Fédérative de Recherche ScInBios, Brest. 

Source

G. Quellec et coll. Automatic detection of referral patients due to retinal pathologies through data mining. Medical Image Analysis, avril 2016 ; 29 : 47–64.