Après l’horloge, le ressort-spirale de la membrane cellulaire !

Des vésicules ou encore des virus s’échappent des cellules grâce au bourgeonnement de la membrane de ces dernières. Des chercheurs viennent de montrer que ce système fonctionne sur la base d’une spirale de protéines qui emmagasine l’énergie nécessaire à cette expulsion, comme le ressort spiral d’une horloge.

Vous connaissez le fonctionnement du ressort spiral en horlogerie ? Alors vous comprendrez vite comment une vésicule ou une particule virale parvient à s’extraire d’une cellule. Le principe est en effet quasiment le même ! Une spirale se resserre comme un ressort et emmagasine de l’énergie qui sert à projeter un objet à distance : un balancier dans le cas de l’horloge, une vésicule ou un virion dans celui de la membrane cellulaire. 

Pour découvrir ce mécanisme, des chercheurs ont travaillé à partir de la protéine ESCRT-III, connue pour son rôle indispensable à la déformation des membranes en cas de divisions cellulaires ou lorsqu’un virion est libéré d’une cellule par bourgeonnement. Ils ont déployé différentes méthodes d’analyse, en particulier la microscopie à force atomique. Mis en œuvre par l’équipe de Simon Scheuring* à Marseille, il s’agit d’un outil à la pointe du progrès, disponible dans à peine cinq laboratoires au monde. « Cette technique consiste à scanner un objet à l’aide d’une pointe extrêmement fine, appliquée avec une force infime afin d’obtenir une carte topographique de l’échantillon. La résolution est inouïe, de l’ordre du nanomètre, ce qui permet d’observer des protéines individuelles en temps réel dans leur milieu naturel », explique le chercheur. 

Des spirales de protéines

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© UNIGE Cette image de microscopie électronique montre la structure de plusieurs spirales Snf7 liés à une vésicule lipidique.veral Snf7 spirals tied to a lipid vesicle. 

En observant ces fameuses protéines ESCRT-III in vitro, les chercheurs ont constaté qu’elles s’organisaient spontanément en spirale plane : les protéines s’attachent les unes aux autres formant un brin qui s’enroule autour de lui-même. 

En abimant volontairement cette structure à l’aide de l’aiguille du microscope, les chercheurs ont constaté que de nouvelles spirales, plus petites, se formaient à côté des anciennes. Après une seconde phase de destruction, le phénomène s’amplifiait avec encore plus de mini spirales. Pour Simon Scheuring, cette observation est au cœur du processus de bourgeonnement. « Les protéines ESCRT-III participent à la formation d’une même spirale. Mais si on les libère, elles en créent spontanément de nouvelles plus petites à côté, témoignant d’une envie d’être au cœur de la spirale. Cela indique que les anneaux extérieurs exercent une pression vers l’intérieur. Chaque filament voudrait être plus proche du précédent. Cette tension augmente au fur et à mesure que la spirale grandit, générant une énergie croissante. Quand cette dernière devient trop forte, un bourgeon se forme pour libérer cette énergie, donnant naissance à une vésicule qui quittera la cellule », décrit-il. 

Malgré cette avancée fondamentale inédite, beaucoup reste à découvrir sur les mécanismes en amont de ce bourgeonnement. Qu’est-ce qui attire les protéines ESCRT-III sur un même site ? Pourquoi et quand se mettent-elles à former ces spirales ? Décrypter ces mécanismes pourrait, à terme, conduire à la découverte de cibles thérapeutiques permettant d’empêcher la libération des virus par bourgeonnement.

Note

*unité 1006 Inserm/ Aix- Marseille Université, Marseille 

Source

N. Chiaruttini et coll. Relaxation of loaded ESCRT‑1 III spiral springs drives 2 membrane deformation. Cell, édition en ligne du 29 octobre 2015