Chikungunya : identification des facteurs cellulaires clés pour la réplication du virus

Des facteurs cellulaires impliqués dans la réplication du virus chikungunya au sein des cellules humaines viennent d’être identifiés dans le cadre d’un criblage à haut débit. Ceci a permis d’identifier des cibles thérapeutiques potentielles pour lutter contre ce virus.

Comme tout virus, celui responsable du chikungunya pénètre à l’intérieur des cellules de son hôte et y utilise la machinerie cellulaire pour se répliquer. Néanmoins, les mécanismes qui permettent à cet arbovirus de s’introduire dans les cellules et s’y répliquer restent mal connus. Les équipes de Marc Lecuit, responsable de l’unité Biologie des infections à l’Institut Pasteur (unité Inserm 1117), et de Thomas Meyer (Max Planck Institute, Berlin) ont entrepris d’identifier les gènes cellulaires qui participent à la réplication du virus. Pour cela, ils ont inhibé un à un chacun des gènes d’une cellule humaine, afin d’étudier l’effet de cette inhibition sur la réplication virale. 

La technique utilisée est un criblage à haut débit : des cellules humaines ont été cultivées dans les milliers de puits de la plate-forme de criblage. Dans chacun de ces puits était ajoutée une petite molécule d’ARN (ARN interférents), capable d’inhiber l’expression d’un gène donné. Les cellules étaient en outre infectées par le virus chikungunya. « Nous avons utilisé un virus qui induit une fluorescence dans la cellule qu’il infecte ; l’intensité de la fluorescence témoigne de l’importance de l’infection, précise Marc Lecuit. Si la fluorescence s’éteint, cela signifie que le gène bloqué est un gène requis pour l’infection et qu’il a une action provirale. Au contraire, si la fluorescence augmente, cela veut dire que le gène bloqué a une action antivirale ». Au total, 156 gènes proviraux, impliqués dans le transport du virus par exemple, et 41 gènes antiviraux ont été identifiés.

Des mécanismes biologiques de l’infection au développement de traitements

Ces résultats ont permis aux chercheurs d’identifier les facteurs cellulaires impliqués dans la réplication du virus chikungunya, et ainsi que des voies de signalisation qui peuvent être ciblées dans un objectif thérapeutique. Différentes molécules, susceptibles d’inhiber les produits des gènes ou les voies de signalisation identifiés, ont été testées in vitro dans des modèles cellulaires et in vivo dans des modèles murins. Résultat : certaines drogues, seules et combinées, ont montré une efficacité antivirale sur le virus chikungunya, mais aussi sur d’autres virus, comme ceux de la grippe ou de l’herpès, qui exploitent certaines voies cellulaires similaires pour se répliquer. 

« Le développement de traitements anti-infectieux puissants nécessite aujourd’hui la compréhension des mécanismes biologiques de l’infection. C’est grâce à la compréhension des mécanismes biologiques de la réplication du VIH ou du virus de l’hépatite C que des traitements extrêmement efficaces contre ces virus ont été mis au point, rappelle Marc Lecuit. Concernant les virus émergents comme celui du chikungunya, qui sont par nature peu connus, il est intéressant de se focaliser sur les gènes cellulaires impliqués dans l’infection – et non de cibler directement le virus – pour tenter d’identifier, le plus rapidement possible, de nouvelles cibles thérapeutiques ».

Note

* Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP 

Source

A Karlas et coll. A human genome-wide loss-of-function screen identifies effective chikungunya antiviral drugs, Nature Communications, 12 mai 2016. DOI:10.1038/NCOMMS11320