Tabagisme et athérosclérose, un lien codé par le génome

L’expression de quatre réseaux de gènes est modifiée chez les fumeurs qui développent des plaques d’athérome. Cette signature moléculaire, qui vient d’être mise en évidence par une équipe de l’Inserm, devrait permettre aux chercheurs de mieux comprendre la nature du lien de cause à effet entre tabagisme et athérosclérose.

L’apparition et la progression de l’athérosclérose chez les fumeurs est associée à une modification de l’expression de certains gènes. Une équipe de l’Inserm, en collaboration avec des chercheurs allemands, a identifié ces gènes – ou plutôt groupes de gènes. Les chercheurs tentent maintenant de reconstituer la chaine d’événements qui lie le tabagisme à l’athérosclérose.

Identifier les gènes impliqués

L’athérosclérose est une complication cardiovasculaire bien connue chez les fumeurs. Elle se manifeste par l’apparition de plaques sur la paroi des artères qui, en grossissant, entrainent un risque d’obstruction de la circulation sanguine. Les mécanismes de cause à effet entre le tabac et l’apparition de ces plaques sont assez bien identifiés sur le plan physiologique, mais ils restent énigmatiques sur le plan biologique. 

De précédents travaux ont montré que l’expression d’un grand nombre de gènes exprimés dans les cellules sanguines est modifiée chez les fumeurs. Les chercheurs ont voulu aller plus loin dans cette voie afin de voir si ces modifications pouvaient expliquer, au moins en partie, le lien entre tabagisme et athérosclérose. « Nous estimions que ce duo tabagisme-athérosclérose pouvait être reflété par des modifications précises de l’expression des gènes dans les cellules sanguines. Cette hypothèse nous permettait en outre d’envisager l’identification des gènes ou des réseaux de gènes impliqués, pour mieux comprendre la cascade d’événements moléculaires qui mène de l’un à l’autre » explique Laurence Tiret*, coauteur des travaux. 

Quatre réseaux actifs

Les chercheurs ont donc étudié les profils d’expression des gènes chez environ mille fumeurs et non-fumeurs issus d’une cohorte allemande destinée à étudier les facteurs de risque cardiovasculaire en population générale. Ils ont ensuite regardé si ces personnes présentaient des plaques d’athérome au niveau de la carotide. 

Des modèles statistiques leur ont permis de caractériser des groupes de gènes dont l’expression était modifiée chez les fumeurs et chez les porteurs de plaques d’athérome et, ainsi, d’identifier des réseaux de gènes pouvant faire le lien entre le fait de fumer et de développer ces plaques. 

« Aucun gène ne peut expliquer à lui seul la relation tabac – athérosclérose. C’était à prévoir. Nos résultats permettent en revanche d’identifier quatre réseaux composés de gènes co-régulés dans les cellules sanguines, qui semblent jouer un rôle dans cette association. Autrement dit, la modification du profil d’expression de ces quatre groupes expliquerait en partie la présence des plaques d’athérome chez les fumeurs » résume la chercheuse. 

Clarifier les rôles

Le plus gros reste à faire : « Nous tentons maintenant de comprendre l’enchainement des modifications d’expression des gènes, afin d’établir un sens dans la progression du processus d’apparition de l’athérosclérose chez les fumeurs. Nous espérons également comprendre comment la fumée de cigarette modifie l’expression de ces gènes, ou encore comment ils sont impliqués dans la formation des plaques » explique la chercheuse. 

Note :
* Unité Inserm 937 « Génomique cardiovasculaire », Paris 

Source :
R. Verdugo et coll. Graphical Modeling of Gene Expression in Monocytes Suggests Molecular Mechanisms Explaining Increased Atherosclerosis in Smokers. Edition en ligne du 23 janvier 2013.