Mickaël Tanter : Révolution dans l’imagerie de l’activité cérébrale

Mickaël Tanter, directeur de l’unité Physique des ondes pour la médecine et directeur adjoint de l’Institut Langevin à Paris, est à l’origine des nouvelles technologies d’imagerie fondées sur la mesure à cadence ultrarapide d’ondes ultrasonores. Un financement du Conseil européen de la recherche (ERC Advanced Grant), obtenu en 2013, va lui permettre de démontrer l’intérêt de cette technologie en neurosciences.

Mickael Tanter
Mikaël Tanter © Inserm/Delapierre, Patrick

Vous avez une formation de physicien et d’ingénieur, comment en êtes-vous venu à l’imagerie médicale ?

J’ai été poussé sur la voie des mathématiques et de la physique par ma famille et mes professeurs durant mes études, mais j’ai toujours été fasciné par la médecine. C’est pourquoi j’ai effectué ma thèse, et maintenant mes recherches, dans le domaine des applications biomédicales de la physique. Travailler à l’interface de deux domaines est très fructueux, aujourd’hui comme hier. Nous devons par exemple l’invention du microscope composé à Robert Hooke, un physicien anglais du 17e siècle qui nous a de surcroît légué le nom du composant de base des êtres vivants : la cellule, petit compartiment qu’il comparait à une cellule de moine. 

Quel est l’objet de votre projet financé par l’ERC et comment s’articule-t-il avec les travaux que vous menez depuis près de 20 ans, visant à la conception de nouveaux outils d’imagerie fondés sur les ultrasons ?

Ce projet vise à dépasser les limites de la résolution temporelle et spatiale des images obtenues par échographie, afin de développer une nouvelle modalité de neuroimagerie par ultrasons. 

Grâce aux capacités de calcul gigantesques des cartes informatiques actuelles, nous avons pu concevoir un échographe ultrarapide, capable d’acquérir plus de 10 000 images par seconde au lieu des 50 acquises avec les appareils classiques. Cette cadence est intéressante car elle permet de mesurer la vitesse de propagation de vibrations de basse fréquence dans le corps, ce qui renseigne sur la dureté des tissus. Ce paramètre est essentiel pour apprécier de manière non invasive le caractère bénin ou malin d’une masse mammaire par exemple. Les pathologies modifient en effet la structure des tissus et donc leur dureté. L’échographie ultrarapide pour l’aide au diagnostic est aujourd’hui commercialisée dans le monde entier par l’entreprise que j’ai créée avec Mathias Fink en 2005, Supersonic Imagine.

Cette cadence ultrarapide d’acquisition nous a par ailleurs conduit à concevoir un système d’imagerie des flux sanguins de très haute sensibilité, sur le principe de l’échographie Doppler. Cette dernière obtient des images de vaisseaux sanguins à partir du mouvement des globules rouges, mais elle ne permet de visualiser que les gros vaisseaux. Avec l’échographie ultrarapide et une analyse mathématique adaptée des données, nous avons pu augmenter d’un facteur 50 la sensibilité aux flux très lents : ce qui veut dire que nous avons pu rendre visibles les petits vaisseaux de 100 à 150 microns. Ce nouvel outil d’imagerie permet détecter la micro-vascularisation associée au développement d’un cancer par exemple. Mais en permettant de voir les changements subtils de flux sanguins liés à l’activité cérébrale, elle ouvre également des perspectives pour l’étude du cerveau. De plus, l’appareil est peu volumineux et portable : il autorise ainsi l’enregistrement au lit du patient, notamment chez le nouveau-né pour lequel la barrière osseuse n’est pas un obstacle. 

L’objectif du projet financé par l’ERC est de démontrer que les ultrasons peuvent devenir une modalité complémentaire de neuro-imagerie, en particulier lorsque l’IRM fonctionnel est difficile ou impossible à utiliser pour des raisons pratiques ou financières. C’est le cas lors de recherches fondamentales conduites sur des animaux (qu’il faut anesthésier afin de les immobiliser), ou en clinique pour l’imagerie cérébrale du bébé ou encore pour la neurochirurgie. Cette dernière gagnerait là un outil permettant aisément de s’assurer, avant l’ablation d’une tumeur, de ne pas toucher un endroit du cerveau essentiel pour la vie du patient. 

Nous avons déjà obtenu des résultats très prometteurs chez les bébés, en partenariat avec l’hôpital Robert Debré, et en neurochirurgie, avec les services de la Pitié-Salpêtrière. 

En quoi le financement de l’ERC est-il été essentiel à ces travaux ?

L’apport financier de l’ERC (2,5 millions d’euros) nous a permis de déployer une force de travail conséquente dans le domaine de la neuro-imagerie et d’initier de nouvelles collaborations, par exemple sur l’audition avec l’Ecole normale supérieure, ou sur l’addiction avec l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris (ESPCI). Nous sommes ainsi en mesure de garder notre avance dans la compétition internationale. Dans un tout autre domaine, nous avons également la chance d’avoir été choisis par l’ERC Comics, un projet destiné à vulgariser sous forme de bande dessinée les recherches réalisées dans le cadre du programme de financement européen. Le premier épisode portant sur notre travail sera mis en ligne en septembre 2017. 

En savoir plus sur Mickaël Tanter et ses travaux

Mickaël Tanter est directeur de l’unité Physique des ondes pour la médecine (unité 979 Inserm/CNRS/ESPCI/Université Denis Diderot/Université Pierre et Maris Curie) et directeur adjoint de l’Institut Langevin à Paris. Il a reçu le prix Opecst-Inserm en 2014. 

Mickaël Tanter, Prix Opecst-Inserm 2014 – portrait vidéo – 3 min 16

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